18 décembre 2022 | Massimo Introvigne | Bitter Winter
Le silence du pape sur le cas du cardinal Zen n’a pas convaincu Pékin d’accepter la demande du Vatican de ne pas procéder à une cérémonie qui violait l’accord de 2018.
Officiellement, la ligne du Vatican, réaffirmée par le pape François lui-même, est que l’accord Vatican-Chine de 2018 « est bon », produit lentement ses fruits, et que le renouveler deux fois en 2020 et 2022 était la bonne chose à faire.
« Officiellement » est le mot clé ici. Car « officieusement », le Vatican sait très bien que la Chine manipule l’accord à ses propres fins, et le viole quand elle le juge bon. Maintenant, le chat est sorti du sac.
Deux événements d’importance pour l’accord entre le Vatican et la Chine se sont produits à 24 heures d’intervalle la semaine dernière. À Hong Kong, le 25 novembre, l’ancien évêque, le cardinal Joseph Zen, a été reconnu coupable de ne pas avoir enregistré un fonds d’aide humanitaire créé pour soutenir les manifestants pro-démocratie de 2019. Le cardinal de 90 ans a été condamné à payer une amende de 4 000 dollars de Hong Kong, soit un peu plus de 500 euros.
Nombreux sont ceux qui, dans le monde entier, ont critiqué le Pape François pour son silence sur la question, et le Diocèse catholique de Hong Kong pour son refus de tout commentaire, spéculant si cela était dû aux critiques ouvertes du vieux Cardinal à l’égard du Pape (pas seulement sur la question de Hong Kong) ou aux clauses de l’accord de 2018 avec la Chine, dont le texte reste secret. Cependant, selon le correspondant de Bitter Winter à Hong Kong, une source anonyme du diocèse a commenté de manière officieuse que le Vatican a bien travaillé en coulisse pour obtenir une sentence clémente pour Zen.
D’autres ont déclaré à Bitter Winter que le silence assourdissant du Vatican était lié aux négociations visant à persuader le PCC d’annuler ou de retarder la cérémonie d’installation de l’évêque Giovanni Peng Weizhao de Yujiang (province de Jiangxi) en tant qu’évêque auxiliaire de Jiangxi, ce que le Saint-Siège a désespérément essayé d’éviter.
La raison pour laquelle la cérémonie a été si dérangeante pour le Vatican nécessite quelques explications. L’accord de 2018 est secret, mais on pense qu’il réglemente l’administration des diocèses catholiques et la nomination des évêques. Ces derniers sont toujours sélectionnés par le PCC mais sont officiellement nommés par le Vatican. Le problème dans la province du Jiangxi est que le Vatican a traditionnellement organisé les catholiques locaux en cinq diocèses, tandis que l’Église patriotique contrôlée par le PCC n’avait qu’un seul diocèse, appelé simplement diocèse du Jiangxi, dont l’évêque au moment de la signature de l’accord de 2018 était Li Suguang.
Mgr. Peng Weizhao était l’évêque de Yujiang, l’un des diocèses reconnus par le Vatican mais pas par l’Église patriotique. Nommé par le pape François en avril 2014, il a été rapidement arrêté par les autorités chinoises et maintenu en prison jusqu’en novembre de la même année. Connu pour ses critiques à l’égard du PCC, il a été placé sous haute surveillance.
Récemment, cependant, il a été annoncé qu’il avait accepté de rejoindre l’Église patriotique et serait installé par l’évêque Li Suguang comme évêque auxiliaire pour le diocèse de Jiangxi. Comme nous l’avons vu, l’existence de ce diocèse n’est pas reconnue par le Saint-Siège, et la nomination d’un « évêque auxiliaire » pour celui-ci n’aurait pu se faire sans son autorisation.
Le PCC, cependant, interprète l’accord de 2018 en ce sens que le consentement du Saint-Siège n’est nécessaire que pour la consécration de nouveaux évêques, et non pour déplacer ceux que le Vatican a déjà reconnus (ou créés avant 2018, comme dans le cas de Mgr Peng) d’un diocèse à un autre.
Le Vatican interprète différemment l’accord et a supplié les autorités chinoises de ne pas procéder à la cérémonie, qui a bien eu lieu le 24 novembre, l’évêque Peng promettant solennellement de « maintenir le principe des églises indépendantes et autogérées » (l’ancienne formule de séparation d’avec Rome) et de « guider les catholiques pour qu’ils s’adaptent à une société socialiste. »
Cela s’est produit le 24 novembre, et Zen a été condamné le 25 novembre. Si, comme certains l’ont suggéré, il y a eu un marchandage échangeant le silence de Rome sur Zen avec l’accord de Pékin de ne pas procéder à la cérémonie de Peng, en théorie, il était encore temps pour le Vatican de prétendre que le PCC n’avait pas tenu ses promesses, et de s’exprimer sur le cardinal de Hong Kong. Toutefois, comme cela a été confirmé récemment après l’invasion russe en Ukraine, la prudence proverbiale du Vatican signifie qu’il lui faut plusieurs jours, voire plusieurs semaines, pour changer de position sur des questions politiques.
Plus généralement, continuer à affirmer que le schisme de l’Église patriotique a été guéri et que désormais tous les catholiques chinois sont avec Rome, alors qu’ils devraient l’être aussi avec le PCC, reste plus important pour le Vatican que les incidents individuels.
En conséquence, le Saint-Siège a publié un communiqué de presse dans lequel il reconnaît « avec surprise et regret » que Pékin a violé l’accord de 2008 par la cérémonie de Peng, mais réaffirme la « totale volonté » du Vatican de continuer à le respecter unilatéralement.
« C’est avec surprise et regret, indique le communiqué, que le Saint-Siège a appris la nouvelle de la “cérémonie d’installation”, qui a eu lieu le 24 novembre à Nanchang, de S.E. Mgr Giovanni Peng Weizhao, évêque de Yujiang (province du Jiangxi), comme “évêque auxiliaire du Jiangxi”, un diocèse non reconnu par le Saint-Siège. Un tel événement, en effet, n’a pas eu lieu en conformité avec l’esprit de dialogue qui existe entre les parties vaticanes et les parties chinoises et ce qui a été stipulé dans l’Accord provisoire sur la nomination des évêques du 22 septembre 2018. En outre, la reconnaissance civile de Mgr Peng a été précédée, selon les rapports reçus, d’une pression prolongée et intense de la part des Autorités locales. Le Saint-Siège espère que des épisodes similaires ne se répéteront pas, attend la communication appropriée à ce sujet de la part des Autorités, et réaffirme son entière disponibilité à poursuivre le dialogue respectueux concernant toutes les questions d’intérêt commun. »
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