8 juin 2021 | Andreas Harsono | Humans Rights Watch

Cette semaine, des centaines de musulmans d’Indonésie ont demandé au gouvernement local du village de Sraten, dans l’est de Java, d’empêcher la congrégation Muhammadiyah de construire une mosquée. La protestation a incité le chef du village à ordonner l’arrêt de la construction jusqu’à ce que le groupe Muhammadiyah obtienne un permis de construire. Mais le problème n’était pas lié aux exigences de construction, mais à la liberté de religion et de croyance.

Muhammadiyah est la deuxième plus grande organisation musulmane d’Indonésie, avec environ 30 millions d’adeptes. Mais la mosquée proposée se trouve dans une zone dominée par le Nahdlatul Ulama, le plus grand groupe musulman, avec environ 80 millions de fidèles. Leur rivalité, fondée sur des différences tant religieuses que politiques, remonte à plusieurs décennies.

Mohammad Ali Saifudin, un dirigeant protestataire, a déclaré aux médias : “La construction de la mosquée Muhammadiyah est très inquiétante. La congrégation Nahdlatul Ulama s’y oppose.”

Ces problèmes ont commencé à se poser en 2006, lorsque le gouvernement indonésien, sous la présidence de Susilo Bambang Yudhoyono, a publié un règlement consacré à “l’harmonie religieuse, l’habilitation des forums d’harmonie religieuse et la construction de lieux de culte”. Ce règlement permettait à un groupe religieux majoritaire dans une région d’empêcher effectivement les groupes religieux minoritaires de construire des lieux de culte, violant ainsi le droit à la liberté de religion et de croyance reconnu par le droit international relatif aux droits humains. Aujourd’hui, le règlement est utilisé pour dresser les musulmans les uns contre les autres.

De nombreux groupes islamistes militants ont invoqué cette réglementation dans leurs efforts pour fermer des milliers d’églises chrétiennes dans les provinces indonésiennes dominées par les musulmans. Elle a également été utilisée pour réprimer d’autres minorités religieuses telles que les ahmadis, les hindous, les bouddhistes et les croyants autochtones. Le ministère indonésien des Affaires religieuses n’a pas recensé le nombre de lieux de culte qui ont été contraints de fermer ou dont la construction a été bloquée depuis 2006.

Le blocage de la construction de la mosquée Muhammadiyah devrait rappeler au gouvernement indonésien que cette réglementation discriminatoire doit être révisée afin de respecter les normes internationales en matière de droits humains. Les libertés religieuses en Indonésie resteront menacées tant que cette réglementation restera en vigueur.