27 septembre 2021 | Eva Cossé | HRW

Le 24 septembre, le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative française, a approuvé la dissolution par les autorités françaises, en décembre 2020, du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), un important groupe de lutte contre la discrimination. La décision du tribunal porte gravement atteinte à la réputation autoproclamée du pays en tant que champion de la liberté d’expression et d’association.

Au fil des ans, le CCIF a joué un rôle essentiel en apportant un soutien juridique aux personnes confrontées à la discrimination anti-musulmane et en documentant l’impact discriminatoire des mesures antiterroristes françaises sur les musulmans.

Dans son jugement, le tribunal a déclaré que la dénonciation par le CCIF de l’hostilité de la France à l’égard des musulmans dans sa lutte contre le terrorisme, ainsi que l’incapacité du groupe à “modérer” les commentaires antisémites et autres commentaires hostiles de tiers en réponse aux messages du CCIF sur les médias sociaux, constituent une incitation à la discrimination, à la haine et à la violence, justifiant la décision de le fermer. Le tribunal a également accepté les allégations contestées selon lesquelles le CCIF entretenait des liens étroits avec des partisans de l’islamisme radical, notamment par l’intermédiaire de son ancien directeur exécutif.

En vertu du droit international et européen des droits de l’homme, les États ne peuvent interférer avec les droits à la liberté d’association, à la liberté de religion et de croyance et à la liberté d’expression que lorsque cette interférence a une base légale, est nécessaire et proportionnée. La dissolution d’une organisation indépendante devrait être une mesure de dernier recours dans le cas où elle prône une menace claire et imminente de violence ou a agi en violation grave de la loi. Le Conseil d’État a rejeté tous les autres arguments du gouvernement français selon lesquels le CCIF suscitait une telle menace, mais a néanmoins confirmé la décision de le fermer.

La dissolution du CCIF s’inscrit dans le cadre d’une répression plus large menée par les autorités françaises en réponse à des attentats attribués à des extrémistes islamistes. Une loi controversée visant à “lutter contre le séparatisme et les atteintes à la citoyenneté [française]” a été adoptée en août dernier, suscitant l’inquiétude de la Commission nationale des droits de l’homme et de la Commission européenne.

La fermeture du CCIF et le jugement de la semaine dernière risquent d’avoir un effet paralysant sur la liberté d’expression et d’association de ceux qui travaillent sur la non-discrimination en France et ailleurs en Europe. La fermeture du CCIF affaiblit la crédibilité du pays en tant que champion des droits et constitue un exemple dangereux pour les gouvernements prompts à utiliser des lois vaguement définies pour faire taire les critiques. Les autorités françaises devraient cesser d’imposer la censure aux organisations de la société civile et démontrer au contraire leur engagement en faveur de la liberté d’expression et d’association, ainsi que leur détermination à lutter contre la discrimination.