13 décembre 2022 | Massimo Introvigne | Bitter Winter

Les noms des organisations russes anti-sectes ont disparu du site Internet de la fédération européenne après l’invasion de l’Ukraine. À présent, elles affirment qu’elles font toujours partie de la FECRIS.

Une question importante se pose à propos de la fédération européenne anti-sectes FECRIS : sa relation avec ses organisations affiliées russes, qui calomnient l’Ukraine depuis au moins 2014 et sont maintenant des partisanes enthousiastes de l’invasion russe. Elles contribuent à la propagande russe en diffusant de fausses informations selon lesquelles le gouvernement ukrainien serait dominé par des «sectes.»

La FECRIS déclare qu’elle est en désaccord avec l’invasion russe, mais cela ne peut pas être un argument suffisant si elle continue à être représentée en Russie par certains des plus féroces agitateurs et propagandistes anti-ukrainiens.

Consciente qu’elle avait un problème russe, la FECRIS a décidé de maquiller son site Web. Les organisations russes faisant partie de la FECRIS, toujours répertoriées comme telles le 31 mars 2022, ont disparu de la liste de ses organisations membres sur son site Web au début du mois d’avril. Cependant, il n’a pas été possible de savoir si elles avaient été expulsées ou si la FECRIS avait simplement procédé à un ajustement cosmétique de son site Web.

Les noms des membres du conseil d’administration de la FECRIS sont déposés auprès des services administratifs de la France, où est immatriculée l’organisation et où se trouve son siège social. Nous avons régulièrement consulté cette liste et l’activiste anti-sectes russes le plus farouche, Alexander Dvorkin, est toujours indiqué comme membre du conseil d’administration. CESNUR, l’organisation mère de Bitter Winter, a écrit à la FECRIS pour demander si les affiliés russes faisaient toujours partie de la fédération et si Dvorkin était toujours membre du conseil d’administration, mais n’a jamais reçu de réponse.

Le 11 novembre dernier, 82 universitaires ukrainiens, dont tous les plus grands spécialistes des religions du pays, ont écrit au Président français Macron pour lui demander de mettre fin au soutien financier que la France continue d’offrir à la FECRIS, étant donné que la fédération anti-sectes entretient des relations avec des organisations russes qui apportent un soutien actif et important à l’invasion de l’Ukraine du fait de leur propagande.

Les universitaires ukrainiens se doutaient bien que la FECRIS répondrait comme elle l’a fait, qu’elle compte aussi deux organisations ukrainiennes affiliées. Ils ont expliqué que l’une est notoirement pro-russe et que l’autre est inactive depuis des années, et qu’en tout état de cause, ni l’une ni l’autre n’a condamné officiellement la propagande anti-ukrainienne des branches russes de la FECRIS.

La lettre a été à l’origine d’un développement inattendu, qui a en quelque sorte résolu le problème de savoir si la FECRIS s’est contentée de cesser ses relations avec ses affiliés russes ou si elle les a expulsés.

Les affiliés russes de la FECRIS sont eux-mêmes membres d’une organisation nationale anti-sectes appelée «Association russe des centres d’études religieuses et cultuelles» (РАЦИРС / RATsIRS). Son président est Alexander Dvorkin et son vice-président est l’archiprêtre Alexander Novopashin, un activiste anti-sectes anti-ukrainien fanatique de Novosibirsk. Ils sont également les représentants du «Centre d’études religieuses au nom de Hieromartyr Irenaeus of Lyon» de Moscou, lui-même une organisation affiliée à la FECRIS. L’organisation anti-sectes locale de Novosibirsk «Centre d’information et de consultation sur le sectarisme après de la cathédrale au nom du Saint Prince Alexander Nevsky», dirigée par Novopashin, est une autre organisation russe affiliée à la FECRIS.

Novopashin a décidé de répondre à la lettre des universitaires ukrainiens adressée au Président Macron. Il a fait publier sa réponse par 4s-info et l’a ensuite reproduite sur son propre site Web. Sans vraisemblablement connaître la plupart des signataires, il les a gratuitement insultés en écrivant qu’ils sont «82 apologistes des sectes ukrainiens qui se disent scientifiques.» Certains de ceux qui ont signé n’ont jamais écrit sur les «sectes», mais ce n’est pas la partie la plus intéressante de la réponse de Novopashin.

Novopashin a écrit que les «pseudo-chercheurs» ukrainiens ont attaqué «la Fédération européenne des centres de recherche et d’information sur les sectes FECRIS, enregistrée en France. Notre centre d’information auprès de la cathédrale au nom du Saint Prince Alexandre Nevsky est un membre correspondant de cette organisation. Mais la plainte mentionne principalement un théologien orthodoxe bien connu, mon ami, le professeur Alexandre Leonidovitch Dvorkin, et, enfin, moi, votre humble serviteur.

Le professeur Dvorkin est le président du Centre d’études religieuses au nom de Hieromartyr Irénée de Lyon, le représentant la FECRIS en Russie. Et je suis le vice-président du Centre. La cible principale des apologistes des sectes, en tant que grand spécialiste russe des sectes, est le professeur Alexandre Leonidovitch Dvorkin. Cette lettre a été envoyée dans l’espoir que le Président de la France influence la FECRIS pour qu’elle expulse le professeur Alexandre Dvorkin et moi-même de l’organisation.»

Comme les catholiques le disent à propos de Rome, «Novosibirsk locuta, quaestio soluta» : lorsque Novosibirsk a parlé, la question a été résolue. Si ceux que Novopashin considère comme les méchants de l’histoire «espèrent» que lui et Dvorkin seront expulsés de la FECRIS, il est clair qu’ils ne l’ont pas encore été. En fait, Novopashin avoue que son centre de Novosibirsk est toujours «un membre correspondant de l’organisation», comme il l’était avant l’invasion de l’Ukraine en 2022. Le centre d’études religieuses de Dvorkin, au nom de Hieromartyr Irenaeus of Lyon, est toujours «le représentant de la FECRIS en Russie.» Personne ne les a expulsés. Pourquoi leurs noms ont-ils disparu du site Internet de la FECRIS est une question à laquelle la FECRIS pourra peut-être répondre.

En attendant, Novopashin clarifie, au bénéfice des universitaires ukrainiens et de la FECRIS, que lui et ses amis continuent à «soutenir activement l’opération spéciale en Ukraine.»