19 août 2022 | HRW
Le 27 mai 2022, un tribunal russe a condamné un militant à une peine de 20 mois de prison et lui a ordonné de payer des dommages civils de 100 000 roubles (environ 1 500 dollars US) après l’avoir jugé affilié à une « organisation indésirable », a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. La loi abusive qui sous-tend les accusations, les poursuites et la condamnation constituent, individuellement et ensemble, une véritable parodie de justice, a déclaré Human Rights Watch.
Mikhail Iosilevich, est la première personne susceptible de purger une peine de prison pour ces accusations, car les militants condamnés précédemment avaient reçu des peines avec sursis ou s’étaient vu ordonner d’effectuer des travaux d’intérêt général (travail obligatoire). En 2021, Iosilevich a également été la première personne placée en détention provisoire pour ces charges.
« Les autorités devraient libérer Iosilevich immédiatement et sans condition, annuler les condamnations absurdes prononcées à son encontre et assurer la restitution de ses droits et de son nom, et abroger la loi répressive sur les “indésirables” », a déclaré Hugh Williamson, directeur Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Le fait même qu’il ait dû faire face à des accusations criminelles est scandaleux, et l’envoyer en prison est totalement injuste. »
Iosilevich est un entrepreneur de Nizhny Novgorod et un responsable local de l’Église satirique du Monstre en Spaghetti Volant. Il a fourni un espace dans son café pour divers événements de la société civile, notamment des conférences ouvertes.
Début septembre 2020, Golos, un organisme de surveillance des élections, a organisé un atelier pour les surveillants des élections dans le café d’Iosilevich. La police a fait une descente lors de cet événement. Plus tard dans le mois, les autorités ont ouvert une procédure pénale contre lui, affirmant que l’événement était organisé par Open Russia, un groupe interdit en Russie car jugé « indésirable ». En vertu d’une loi russe très controversée, une organisation étrangère ou internationale désignée comme « indésirable » doit cesser toute activité en Russie et toute personne considérée comme ayant une affiliation avec le groupe peut être tenue pénalement responsable.
Selon les enquêteurs locaux, le fait de fournir le lieu de l’atelier constitue une « tentative de porter atteinte aux fondements de l’ordre constitutionnel et de la sécurité de l’État ».
Le 1er octobre, la police a perquisitionné l’appartement d’Iosilevich et les domiciles d’un certain nombre d’autres militants à Nijni Novgorod, puis les a interrogés dans le cadre de l’affaire pénale sur des charges « indésirables ». Le lendemain, une journaliste locale et militante civique, Irina Slavina (Murakhtayeva), également visée par la descente de police et les interrogatoires, s’est suicidée en s’immolant par le feu. Elle a laissé une note accusant « la Fédération de Russie ».
Les autorités ont engagé des poursuites pénales contre Iosilevich, sans tenir compte de la déclaration publique de Golos selon laquelle c’est elle qui avait organisé l’atelier et non Open Russia. Le responsable local de Golos a même tenté de poursuivre la police en justice.
En janvier 2021, la police a arrêté Iosilevich, au motif qu’il avait menacé un témoin de l’accusation lors d’un appel téléphonique, bien que quelques mois plus tôt, le témoin se soit rétracté de sa prétendue déclaration contre Iosilevich. Le tribunal a refusé de prendre en compte une requête de la défense visant à introduire dans les preuves l’analyse d’experts indépendants qui avaient examiné un enregistrement des menaces et conclu que la voix n’était pas celle de Iosilevich.
Le même mois, la défense d’Iosilevich a appris que l’accusation avait ajouté un nouveau chef d’accusation, le fait de ne pas avoir informé les autorités que Iosilevich avait acquis la double nationalité et obtenu un passeport israélien. En avril 2021, l’accusation a ajouté de nouvelles charges criminelles en rapport avec les allégations de menaces téléphoniques adressées au témoin de l’accusation.
Iosilevich a passé plus de six mois en détention provisoire. Il a été libéré sous un régime d’interdiction de certains types d’activités et de communications et a été de nouveau arrêté début mai 2022 pour avoir tenté de quitter la Russie pour Israël.
L’accusation a requis une peine de quatre ans et demi pour les faits qui lui étaient reprochés.
Le temps qu’Iosilevich a passé en détention provisoire et sous un régime de restriction des activités et des communications dans l’attente du procès comptera dans sa peine de prison. Il devra passer cinq mois supplémentaires derrière les barreaux. Les dommages-intérêts civils accordés concernent des menaces qui auraient été proférées à l’encontre d’un témoin de l’accusation.
« Les poursuites, le verdict et la condamnation d’Iosilevich sont une véritable parodie de justice pour lui, sa famille et ses partisans », a déclaré M. Williamson. « Mais c’est aussi un message sinistre pour les autres militants russes et leurs partisans qui ont été la cible d’un harcèlement et d’une intimidation sans cesse croissants qui ont atteint un tout nouveau niveau. »
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