12 octobre 2021 | Massimo Introvigne | BitterWinter

Lundi 4 octobre, à partir de 6 heures du matin, douze maisons privées d’Irkoutsk, en Sibérie, ont été perquisitionnées par OMON (Отряд Мобильный Особого Назначения, “Unité mobile à usage spécial”), une force spécialisée dans la répression des émeutes et la lutte contre les terroristes.

Qui vivait dans les maisons perquisitionnées ? Des terroristes ? Des parrains du crime organisé ? Étonnamment, Moscou a demandé à l’OMON d’intervenir pour appréhender les membres de l’une des organisations religieuses les plus pacifiques au monde, les Témoins de Jéhovah.

L’OMON, qui a été créée à l’époque soviétique en tant que force spéciale antiterroriste (à l’origine, pour prévenir les attaques terroristes lors des Jeux olympiques de Moscou en 1980), a été dénoncée à plusieurs reprises pour des violations des droits de l’homme et même des exécutions extrajudiciaires.

Dans l’une des maisons qu’ils ont perquisitionnées à Irkoutsk, Anatoly Razdobarov, 31 ans, vivait avec sa femme, Greta. Les agents de l’OMON ont forcé Anatoly à s’allonger sur le sol et l’ont menotté, les bras derrière le dos. Ils lui ont demandé d’avouer qu’il avait commis des actes criminels, et de les informer sur d’autres croyants. Lorsqu’Anatoly a refusé, ils ont commencé à le torturer, lui donnant des coups de pied à la tête et aux reins. Puis ils ont saisi ses mains menottées et l’ont arraché du sol, de sorte que son corps s’est mis en hyper extension au niveau des épaules.

Comme Anatoly continuait à résister, les agents de l’OMON l’ont menacé de le sodomiser et ont essayé de lui enfoncer une bouteille en verre dans les fesses. Il est resté sous l’emprise de l’OMON pendant environ huit heures, après quoi il a été libéré.

Anatoly a obtenu un certificat médical attestant de sa torture, et a déposé une plainte contre les actions des agents des forces de l’ordre auprès du Comité d’enquête et du bureau du procureur, et a informé le Commissaire aux droits de l’homme de la Fédération de Russie.

Sa femme Greta a été traînée par les cheveux dans une autre pièce, menottée, les bras derrière le dos, et battue. Ce n’est qu’après trente minutes qu’elle a été détachée et autorisée à s’habiller.

Pendant ce temps, d’autres agents de l’OMON étaient à l’œuvre dans la maison de Nikolay Merinov, un témoin de Jéhovah de 23 ans, et de sa femme Liliya. Nikolay a été frappé au visage avec un objet lourd, est tombé et a perdu connaissance. Un officier s’est ensuite assis sur lui et l’a battu. Ses dents étaient cassées, comme l’a montré l’examen médical qu’il a subi après avoir été relâché.

Sa femme, qui était en sous-vêtements, a été tirée du lit par les cheveux, menottée et battue. Elle a également obtenu un certificat médical attestant de ses blessures.

Mardi et mercredi, les tribunaux locaux ont ordonné la détention provisoire pendant deux mois de six des Témoins de Jéhovah, Yaroslav Kalin, Mikhail Moish, Aleksey Solnechny, Sergey Kosteev, Nikolay Martynov et Andrey Tolmachev, et l’assignation à résidence de Sergey Vasilyev, 70 ans.

Depuis la « liquidation » des Témoins de Jéhovah en 2017 par la Cour suprême russe, 1 583 domiciles de croyants ont été perquisitionnés. 61 d’entre eux sont en prison, et 31 en résidence surveillée. La persécution d’une communauté religieuse pacifique a été dénoncée par plusieurs institutions internationales. L’incident d’Irkoutsk confirme que, lorsque la persécution et la haine contre une minorité religieuse commencent, la torture n’est jamais loin.