Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, a reçu, le 20 septembre dernier, deux rapports sur la laïcité. Le premier concerne la laïcité dans les services publics, un rapport présenté par André Rossinot, maire de Nancy, et le second présenté par une commission d’experts, sous la présidence Jean-Pierre Machelon. Ces deux rapports abondent en propositions. Le lendemain de leur sortie, Nicolas Sarkozy s’est largement exprimé dans la presse en les commentant. Il s’interroge : « La neutralité de l’État, la liberté des cultes et le droit de croire ou de ne pas croire, comment faire vivre ces trois idées républicaines aujourd’hui, dans le paysage religieux de 2006, alors qu’il n’est plus celui de 1905 ? Ma République n’est pas une République désincarnée, une statue figée dans le marbre froid… C’est une République multiple, riche de sa diversité, qui reconnaît le droit de croire ou de ne pas croire. Et qui donne les moyens de garantir concrètement l’égalité entre les cultes (…) À l’hôpital, il faut interdire aux patients de récuser un médecin pour des raisons religieuses. À l’école, il faut mieux lutter contre les « déscolarisations sélectives » pratiquées par les familles refusant que leurs enfants suivent certains cours. Dans le même temps, l’enseignement du fait religieux doit être encouragé à l’école publique, sans s’immiscer dans l’interprétation des textes sacrés, mais pour apprendre aux élèves la tolérance et le respect des grandes religions. (…) Il n’est pas juste que les fidèles des confessions en expansion récente sur notre territoire, l’islam sunnite et le christianisme évangélique, rencontrent des difficultés pour pratiquer leur culte ». Le ministre a adressé le rapport Machelon aux responsables des grandes religions de France ainsi qu’aux présidents des associations d’élus locaux, afin de recueillir leur point de vue. Il veut, dans les prochains mois, les inviter à un débat sans tabou, précise t-il, en ajoutant : « Il y va de la liberté de conscience et de l’égalité entre les français… ». Si le président de la Conférence des Évêques de France, le cardinal Jean-Pierre Ricard, se réserve de donner un avis quand il aura reçu les rapports, comme il l’affirme au journal La Croix, il estime cependant que « le ministre ne retient que certains points des rapports qui lui ont été remis ». L’Église catholique et les organisations juives de France se sont toujours prononcées contre une modification de la loi de 1905. Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris et président du Conseil français du culte musulman (CFCM), affirme : « Les consi-dérations sur la laïcité me paraissent excellentes. Concernant la subvention directe des communes à la construction des lieux de culte, il faut qu’elle soit délivrée avec trans-parence et clarté, pour que soient respectées la laïcité et l’égalité entre les lieux de cultes, et leur interdépendance totale de fonctionnement ». Jean-Arnold de Clermont, président de la Fédération protestante de France (FPF), a aussi livré ses impressions : « Je suis satisfait du rapport Machelon, en premier lieu, pour une raison simple : toutes les questions posées dans son rapport par la FPF y sont prises à bras-le corps. La modification de la loi de 1905, que nous demandions, portait sur des points mineurs, mais qui avaient leur importance pour les associations cultuelles existantes, puisque la loi leur interdit, dans la pratique, d’avoir des activités autres que strictement cultuelles, par exemple de soutenir une action sociale. Cette position, qui avait fait lever les bras au ciel, est reprise par Jean-Pierre Machelon, et les solutions que nous préconisions sont celles qui sont retenues dans son rapport. Cela confirme que ce que nous avions dit n’était pas faux. Cela dit, reste une question fondamentale : les responsables des partis politiques, qui ont poussé des cris d’orfraie lorsque nous avons demandé un toilettage de la loi de 1905, vont-ils à nouveau avoir une réaction idéologique, oublier que la loi de 1905 a déjà connu plusieurs révisions et dénoncer une atteinte à la laïcité ? Nicolas Sarkozy propose un débat. J’espère qu’il aura lieu, et que la sagesse l’emportera ».