Août 2020 / Portes ouvertes

Matthew, le mari de Rose (pseudonymes) était en patrouille ce soir-là avec le secrétaire de l’église. C’était à leur tour de vérifier les éventuels signes d’une attaque sur leur village. Il a été abattu sur le chemin du retour. Des gens du village ont amené Rose le lendemain matin sur le lieu du drame.

«J’ai vu mon mari étendu mort avec la tombe déjà creusée. J’étais en état de choc. J’ai serré mes filles dans mes bras et j’ai pleuré.»

22 morts, des dizaines de blessés, 163 maisons incendiées, plus d’un millier de personnes en fuite : c’est le bilan des dernières attaques dans l’État de Kaduna entre le 10 et le 12 juillet.

Des données crédibles

Une ONG de la société civile nigériane dirigée par une criminologue chrétienne vient de publier un rapport qui s’appuie sur des comptes rendus détaillés et des témoignages fiables. Il indique que parmi les nombreuses victimes recensées entre janvier et juin 2020, la plupart d’entre elles résulte des meurtres commis par des membres de la communauté d’éleveurs peuls, majoritairement musulmans, qui ont été radicalisés pour mener des attaques contre des communautés rurales en majorité chrétienne dans les États de la Ceinture Centrale, riches en agriculture.

Une autre partie des chrétiens tués est attribuée à des meurtres commis par des groupes islamiques radicaux dans le Nord-Est, comme Boko Haram et l’État islamique en Afrique Occidentale (ISWAP), en plus d’autres auteurs tels que des bandits armés.

Du côté de Portes Ouvertes, l’Index Mondial de Persécution des Chrétiens classe le Nigeria au 12e rang en 2020. Et pour la cinquième année consécutive, le Nigeria est en tête des pays où les chrétiens sont les plus nombreux à être tués pour leur foi.

Les chrétiens ciblés en toute impunité

«Les policiers censés faire respecter le couvre-feu étaient introuvables au moment où les attaques ont débuté », soulignent plusieurs témoignages repris par les médias et différentes ONG. Le directeur de l’ONG Christian Solidarity Worldwide (CSW) s’insurge : «Nous sommes consternés par l’attitude des forces de sécurité, qui n’ont pas réussi à empêcher ces groupes armés de terroriser des civils pendant trois jours consécutifs. » Il poursuit :

«La violence et les pertes en vies humaines qui se poursuivent sont emblématiques d’un échec durable ou d’un manque de volonté des autorités à assumer la protection efficace et impartiale de tous les citoyens.»

Vers un génocide caractérisé

Une ONG nigériane s’alarme : «Le nombre de jeunes filles et de femmes, mariées ou non, enlevées par des musulmans radicaux augmente rapidement. Elles sont utilisées comme esclaves sexuelles ou mariées de force et converties à l’islam. »

En décembre 2019, le Département d’État américain a placé le Nigeria sur sa liste de surveillance spéciale des pays qui commettent ou tolèrent de graves violations de la liberté religieuse. Une ONG américaine a informé la Cour pénale internationale de La Haye que le niveau de qualification de génocide contre les chrétiens avait été atteint au Nigeria. Elle a demandé une enquête sur les atrocités de masse qui y sont commises.