2 mars 2022 | Inde | Jayshree Bajoria | Human Rights Watch

Au cours du mois dernier, plusieurs établissements d’enseignement publics de l’État indien du Karnataka ont interdit aux étudiantes musulmanes de porter le hijab, ou foulard. Le gouvernement de l’État, dirigé par le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP), a soutenu cette interdiction discriminatoire en adoptant la semaine dernière une directive stipulant que « les vêtements qui perturbent l’égalité, l’intégrité et l’ordre public ne doivent pas être portés ».

Dans un contexte de tensions et de protestations croissantes entre étudiants hindous et musulmans autour du hijab dans les écoles, les autorités du Karnataka ont fermé les écoles et les collèges pendant trois jours. Le 8 février, alors que la Haute Cour du Karnataka entendait les pétitions d’étudiants musulmans soutenant le droit de porter le hijab, des vidéos virales ont montré une foule de jeunes hindous chahutant une étudiante musulmane parce qu’elle en portait un. Un jour plus tard, selon un rapport d’information, les formulaires d’admission de six étudiantes musulmanes au premier plan des protestations, y compris leurs numéros de téléphone et leurs adresses personnelles, ont été divulgués en ligne.

L’interdiction du hijab viole les obligations de l’Inde au titre du droit international relatif aux droits de l’homme, qui garantit le droit de manifester librement ses convictions religieuses, la liberté d’expression et le droit à l’éducation sans discrimination. De même, le fait d’obliger les femmes et les jeunes filles à porter des vêtements religieux constitue une violation de la liberté religieuse et du droit à la vie privée en vertu du droit international.

L’interdiction du hijab est le dernier exemple en date des autorités indiennes qui cherchent de plus en plus à marginaliser les musulmans, les exposant ainsi à une violence accrue. Au niveau national et au niveau des États, les gouvernements du BJP ont adopté une série de lois et de politiques qui discriminent systématiquement les minorités religieuses et les communautés vulnérables, en particulier les musulmans.

En décembre 2021, d’ultranationalistes hindous, dont beaucoup ont des liens avec le BJP, ont tenu une convention religieuse de trois jours dans l’Uttarakhand, au cours de laquelle les orateurs ont ouvertement appelé au meurtre de musulmans. Dans l’État de l’Haryana, le ministre en chef du BJP a soutenu les groupes d’autodéfense hindous qui demandaient l’arrêt des prières musulmanes dans les espaces publics. Les musulmans de la classe ouvrière sont souvent battus, menacés et harcelés en toute impunité. Les photographies de centaines de femmes musulmanes éduquées de premier plan ont été affichées sur des applications indiquant qu’elles étaient à vendre, afin de les humilier, de les dégrader et de les intimider.

Tout cela vient d’un gouvernement qui dit soutenir « l’éducation et la participation » des filles. Il doit passer de la parole aux actes, veiller à ce que les écoles soient des espaces inclusifs et préserver le droit des filles à porter le hijab sans être intimidées.