22 février 2022 | Nice, France | Nicolas Garriga | Associated Press

Le gouvernement français a présenté samedi un nouvel organe destiné à remodeler l’Islam en France, dans le cadre des efforts du président Emmanuel Macron pour le débarrasser de l’extrémisme.

Le Forum de l’Islam en France sera composé de membres du clergé et de laïcs pour aider à guider la plus grande communauté musulmane d’Europe occidentale. Tous ses membres seront triés sur le volet par le gouvernement et les femmes représenteront au moins un quart d’entre eux.

La France ayant été ensanglantée par de précédents attentats islamistes et des centaines de ses citoyens étant partis combattre avec les djihadistes en Syrie ces dernières années, peu de gens contestent le danger de la radicalisation. Mais les critiques voient également dans ces efforts un stratagème politique visant à attirer les électeurs de droite vers le parti centriste de M. Macron en vue de l’élection présidentielle française du 10 avril.

Ses partisans affirment qu’il s’agit d’assurer la sécurité du pays — et de ses cinq millions de musulmans — et de veiller à ce que les pratiques musulmanes en France respectent la valeur chère au pays, à savoir la laïcité dans la vie publique.

Pourtant, les critiques, y compris de nombreux musulmans qui considèrent la religion comme une partie de leur identité française, affirment que la dernière initiative du gouvernement est une nouvelle étape dans la discrimination institutionnalisée qui rend l’ensemble de la communauté responsable des attaques violentes de quelques-uns et constitue une autre barrière dans leur vie publique.

Il remplace le Conseil français du culte musulman, un groupe créé en 2003 par l’ancien président Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Le Conseil servait d’interlocuteur entre le gouvernement et les dirigeants religieux.

« Nous devons tourner la page », a déclaré le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin lors de la réunion inaugurale du forum samedi au Conseil économique, social et environnemental à Paris. « Nous relançons les relations entre l’État et la foi […] (sur la base) d’une nouvelle forme de dialogue qui sera plus ouverte, plus inclusive et plus représentative de la diversité de l’Islam en France. »

L’Islam est la deuxième religion en France, sans dirigeant unique et avec de multiples souches représentées, des modérés aux salafistes avec une interprétation rigoureuse de la religion, en passant par des arrivistes carrément radicaux.

Le projet de Macron comprend des mesures telles que la formation d’imams en France au lieu de les faire venir de Turquie, du Maroc ou d’Algérie — un plan que beaucoup de membres de la communauté musulmane approuvent. Il rompt également avec le leadership centralisé des dirigeants religieux.

« Un représentant unique de la foi musulmane, qui maîtrise tous les métiers, n’existe plus », a déclaré M. Darmanin. Des femmes et des hommes « qui tirent leur légitimité de leur travail et de leur expertise dans un domaine » s’engageront dans le dialogue avec l’État, a-t-il expliqué.

Les musulmans sont divisés sur le projet. Certains croyants qui se rendent à la Grande Mosquée de Paris pour la prière du vendredi accueillent l’idée avec prudence, tandis que d’autres craignent que l’on aille trop loin dans la tentative de contrôler leur foi, ou disent que le gouvernement a distingué les institutions islamiques, mais n’oserait pas suggérer de tels changements aux institutions chrétiennes.

Hamoud ben Bouzid, un Parisien de 51 ans, s’est montré optimiste quant au projet de M. Macron et à son effort pour inclure différentes voix de la communauté musulmane afin de montrer à la société dans son ensemble sa diversité. Les membres du clergé « ne parlent pas au nom de tous les citoyens musulmans » de France, a-t-il déclaré.

« Nous vivons dans un pays laïque, alors, pour quoi ne pas élargir le forum et donner la parole à un plus grand nombre de musulmans en France », a déclaré M. ben Bouzid. « Je voudrais que les musulmans soient entendus en tant que citoyens dans ce pays, pas en tant que musulmans. En tant que citoyens à part entière. »

Les musulmans de France se plaignent depuis longtemps de discriminations dans la vie quotidienne, qu’il s’agisse de contrôles d’identité par la police ou de discriminations dans la recherche d’un emploi. Chaque fois que la violence extrémiste frappe, qu’elle soit le fait d’agresseurs nés à l’étranger ou de jeunes nés en France, les musulmans de France font l’objet de soupçons et de pressions pour dénoncer la violence.

L’année dernière, le Parlement français a approuvé une loi visant à renforcer le contrôle des mosquées, des écoles et des clubs sportifs. Le gouvernement affirme que cette loi était nécessaire pour protéger la France des islamistes radicaux et pour promouvoir le respect de la laïcité et des droits des femmes. Cette loi a été utilisée pour fermer plusieurs mosquées et groupes communautaires.