4 mai 2022 | Massimo Introvigne | Bitter Winter

Certains lecteurs de Bitter Winter se souviennent peut-être de notre reportage de l’année dernière sur une décision du 4e Sénat de la Cour d’appel administrative de l’État de Bavière, annulant un jugement de première instance du tribunal administratif de Munich sur la question du « filtrage des sectes » qui était pratiqué par la ville de Munich.

Les « filtrages des sectes » sont des documents bizarres exigés par les administrations locales, les entreprises et les partis politiques dans certaines régions d’Allemagne. Les personnes à la recherche d’un emploi ou souhaitant faire des affaires avec ces institutions et entreprises doivent signer une déclaration indiquant qu’elles ne sont pas scientologues et qu’elles n’utilisent pas « les enseignements/la technologie de L. Ron Hubbard » (le fondateur de la Scientology).

La ville de Munich subventionne l’utilisation de vélos électriques appelés « pédélecs » dans le but de protéger l’environnement. Une musicienne qui se trouve être scientologue a demandé à recevoir une subvention pour l’achat d’un pédélec le 6 août 2018. Dans le cadre de sa demande, il lui a été demandé de signer un « filtrage des sectes » déclarant qu’« elle n’appliquera pas, n’enseignera pas et ne diffusera pas de quelque manière que ce soit le contenu ou les méthodes ou la technologie de L. Ron Hubbard et qu’elle ne participera à aucun cours ou séminaire basé sur cette technologie ». Elle a refusé, et le 12 décembre 2018, la ville de Munich a rejeté sa demande.

Elle a poursuivi la ville, mais le 28 août 2019, le tribunal administratif de Munich lui a donné tort, déclarant que la ville était « libre de décider quel groupe de personnes doit être soutenu par des contributions financières volontaires », et d’exclure les scientologues et partisans de Ron Hubbard.

La musicienne a fait appel, et la Cour d’appel administrative de Bavière a décidé le 16 juin 2021, avec des motifs communiqués le 3 août 2021, que la décision de la ville « est illégale et viole les droits de la plaignante ». Imposer un « filtrage des sectes » pour accorder un financement d’électromobilité viole la garantie constitutionnelle de la liberté de religion et le principe constitutionnel d’égalité devant la loi, qui exige que les citoyens ne soient pas soumis à des désavantages en raison de leur race, origine, langue, croyance ou conviction religieuse ou philosophique, a conclu le tribunal. Les juges ont noté que la ville avait admis que, hormis la question du « filtrage des sectes», la demande de la musicienne remplissait les conditions légales et aurait été accordée. Par conséquent, l’application d’un « filtrage des sectes » constituait une discrimination religieuse inconstitutionnelle.

Le 6 avril, la Cour administrative fédérale a abondé dans le même sens et a ordonné à la ville de Munich de délivrer l’autorisation de subvention requise. Elle a noté qu’il y a trois raisons de déclarer que l’utilisation du « filtrage des sectes » dans ce cas est illégale.

Premièrement, la subvention d’une municipalité ne doit pas dépendre d’un « filtrage des sectes ». L’art. 28 de la Constitution allemande relatif aux droits d’autonomie d’une municipalité ne l’autorise pas à exiger une déclaration sur la croyance d’une personne.

Ensuite, le fait d’exiger une telle déclaration et de refuser une subvention en cas de refus viole la liberté de religion ou de conviction et la liberté de pratique religieuse, toutes deux protégées par l’art. 4 de la Constitution allemande. De telles pratiques sont donc inconstitutionnelles.

Troisièmement, la pratique du « filtrage des sectes » viole le principe de l’égalité de traitement de tous les citoyens devant la loi, car les critères concernés pour les personnes qualifiées pour recevoir une subvention sont impropres et inappropriés.

Bien que l’affaire ne concerne pas les « filtrages des sectes » en général, le point de vue du tribunal semble indiquer qu’en l’absence d’une loi appropriée, exiger une déclaration de croyance d’une personne est inconstitutionnel en soi. Ce résultat encourage certainement les scientologues et tous les citoyens jaloux de leurs droits humains à refuser de signer ces documents odieux. En tant que telle, cette décision est une victoire pour la liberté religieuse et devrait persuader l’Allemagne qu’il n’y a pas de place pour les « filtrages des sectes » dans un pays démocratique fondé sur les droits de l’homme.