4 décembre 2022 | Massimo Introvigne | Bittter Winter
Parmi les caractéristiques les plus controversées de l’éthique de la Scientology figurent les notions de « personnes suppressives », de « fair game » et de « sources potentielles d’ennuis ». Elles sont souvent mal interprétées et doivent être clarifiées en les replaçant dans un contexte historique.
Dans les années 1960, le fondateur de la Scientology, L. Ron Hubbard, a proposé un certain nombre de réflexions sur ce qui rendait la progression de la Scientology plus difficile que ce à quoi on pouvait s’attendre. Comme toutes les religions nouvellement établies, la Scientology s’est heurtée à une opposition externe provenant de diverses sources. Hubbard a distingué ces opposants qui tentaient consciemment de supprimer la Scientology et les a qualifiés de « personnes suppressives » (SP).
Hubbard a écrit : « Une PERSONNE ou un GROUPE SUPPRESSIF » est une personne ou un groupe qui « cherche activement, par des actes suppressifs, à endommager la Scientology ou un scientologue. Les ACTES SUPPRESSIFS sont des actes calculés pour gêner ou détruire la Scientology ou un scientologue »
Ces définitions ont été incluses dans une lettre de politique administrative du HCO (Hubbard Communication Office) datée du 23 décembre 1965, qui modifiait en fait une lettre de politique administrative similaire du 7 mars 1965 (initialement datée à tort du 1er mars 1965). Les changements introduits sont énumérés au bas du document du 23 décembre.
Bien que certaines de ses dispositions aient été annulées par la suite, la Lettre de politique administrative du 23 décembre 1965 reste d’une importance cruciale pour son contenu théorique. Hubbard avait une vision sombre des suppressifs et de leurs motivations. « Les véritables motivations des personnes suppressives, écrivait-il, ont été retracées jusqu’à des désirs cachés assez sordides – dans un cas, la femme voulait la mort de son mari, afin de pouvoir s’emparer de son argent, et combattait la Scientology parce qu’elle rendait le mari heureux. »
Hubbard a discuté de deux problèmes différents : comment gérer le suppressif et comment gérer les scientologues qui étaient influencés et manipulés par le suppressif. En ce qui concerne le premier problème, la lettre de Hubbard institue la politique du « fair game », qui deviendra plus tard la source d’innombrables controverses. « Une personne ou un groupe suppressif devient une ‘cible légitime’ (‘fair game’) », explique Hubbard. Par « cible légitime (fait game) », « on entend qu’il ne peut plus être protégé par les codes et les disciplines de Scientology ou par les droits d’un scientologue. De plus, une personne ou un groupe véritablement suppressif n’a aucun droit d’aucune sorte en tant que scientologue et les actions entreprises à son encontre ne sont pas punissables par les codes d’éthique de la Scientology. »
Il ne fait aucun doute que Hubbard considérait les suppressifs comme des personnes foncièrement malhonnêtes, mais deux mots de la dernière phrase sont importants. Le premier est « véritablement ». Déclarer quelqu’un « suppressif » ne doit pas être pris à la légère. « Une personne ou un groupe peut être faussement étiqueté personne ou groupe suppressif », notait Hubbard dans le même document. Et il mettait en garde : « On ne doit pas forcer l’imagination pour mettre cette étiquette sur quelqu’un. Une personne ou un groupe n’est pas étiqueté suppressif à la suite d’erreurs, de délits mineurs et de délits. Il ou elle l’est seulement à la suite de crimes majeurs. »
Par « crimes majeurs », Hubbard entendait des actions visant consciemment à détruire la Scientology. La deuxième partie clé de la phrase est que les suppressifs n’ont aucun droit « en tant que scientologues ». Les actions menées contre eux par les scientologues ne sont pas punissables par les comités d’éthique de la Scientology. Évidemment, cela ne signifie pas que les suppressifs perdent leurs droits normaux en tant que citoyens. Rien dans la lettre n’incite les scientologues à commettre des actes illégaux contre les suppressifs.
Cependant, le terme « fair game » (« cible légitime ») était la porte ouverte vers une interprétation arbitraire et des abus, sans parler de la façon dont il pouvait être utilisé par les opposants pour attaquer la Scientology. Trois ans après son introduction, la « loi sur le fair game » a été annulée par une autre lettre de politique administrative du HCO datée du 21 octobre 1968. Il n’est pas surprenant que les opposants à la Scientology mentionnent encore la politique administrative éphémère du « fair game » pour caractériser toute action entreprise par l’Église de Scientology à leur encontre.
Mais qu’en est-il de ceux qui, à l’intérieur de la Scientology, étaient contrôlés ou manipulés par le suppressif ? Ces personnes étaient définies comme des sources potentielles d’ennuis (PTS). Cette catégorie avait été introduite avant 1965. Une lettre de politique administrative du HCO du 27 octobre 1964 faisait référence dans son titre à des « Sources de troubles », et distinguait différentes catégories de « Sources Menaçantes ». La première des dix catégories concernait « les personnes intimement liées à des personnes (tels que par des liens maritaux ou familiaux) que l’on sait antagonistes aux traitements mentaux ou spirituels ou à la Scientology. Dans les faits, de telles personnes, même quand elles abordent la Scientology de façon amicale, subissent continuellement tant de pression de la part des gens qui exercent sur elles une influence excessive qu’elles font de piètres progrès en audition et que la seule chose qui les intéresse est de prouver à l’élément antagoniste qu’il a tort. » « Par expérience, poursuit la lettre de politique, elles causent un tas d’ennuis à la longue, car leur propre état ne s’améliore pas suffisamment sous une telle pression pour qu’elles puissent combattre l’antagonisme de manière efficace. Leur problème de temps présent est hors d’atteinte puisqu’il est permanent. »
La réflexion de Hubbard sur la manière dont le PTS et sa relation avec le SP devraient être traités au sein de la Scientology a conduit aux politiques de déconnexion, qui feront l’objet du troisième article de cette série.
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