23 mars 2023 | HRWF

Le 31 janvier 2023, la Cour européenne des droits de l’homme, après avoir examiné sept plaintes de Témoins de Jéhovah de Russie, a reconnu la perturbation des services de culte de 2010 à 2014 comme une violation des libertés fondamentales. La CEDH a décidé de verser une indemnité aux requérants d’un montant de 345 773 EUR et 5 000 EUR supplémentaires au titre des frais de justice.

Que s’est-il passé ?

Cette affaire concerne l’interruption de réunions religieuses dans 17 régions de Russie, ainsi que des fouilles, la confiscation de littérature et d’effets personnels, et plusieurs cas de détention avec fouilles personnelles.

Des agents des forces de l’ordre, parfois armés et portant des masques, pénétraient dans les bâtiments où se déroulaient les cultes des Témoins de Jéhovah. Les actions des forces de l’ordre étaient justifiées par des détails techniques, par exemple par le fait que les réunions étaient organisées sans notification préalable aux autorités. Les forces de sécurité ont soit exigé l’arrêt de l’événement, soit sont restées sur les lieux et ont filmé ce qui se passait à l’aide de matériel photo et vidéo, après quoi elles ont interrogé les personnes présentes.

À plusieurs reprises, la police a perquisitionné des lieux de culte, y compris des résidences privées. Les mandats de perquisition ne fournissaient pas de motifs précis. Ils indiquaient seulement que les bâtiments pouvaient contenir « des preuves pertinentes pour l’affaire criminelle ».

« Les requérants ont vainement plaidé auprès de [la police] pour que la perquisition soit reportée après la fin des services religieux. » Plusieurs cas similaires sont décrits dans la décision de la CEDH (§ 4).

Les victimes ont fait appel des actions des forces de sécurité devant les tribunaux locaux, mais leurs demandes n’ont pas été satisfaites.

Décision de la CEDH

La Cour européenne a conclu que les actions des autorités russes violaient l’article 9 de la Convention des droits de l’homme, qui déclare le droit fondamental de participer à des assemblées religieuses pacifiques.

Voici des extraits de l’arrêt de la CEDH.

« La perturbation d’une assemblée religieuse par les autorités et la sanction des requérants pour avoir organisé des événements religieux “non autorisés” constituent une “ingérence d’une autorité publique” dans le droit des requérants de manifester leur religion. » (§ 9)

« La Cour a précédemment relevé la jurisprudence constante de la Cour suprême de Russie selon laquelle les réunions religieuses, même celles qui se déroulaient dans des locaux loués, ne nécessitaient pas d’autorisation préalable ou de notification aux autorités (…). La condamnation [des requérants] ne reposait pas sur une base juridique claire et n’était pas » prévue par la loi ». « (§ 10)

« Il est incontestable que toutes les assemblées religieuses étaient pacifiques par nature et n’étaient pas susceptibles de causer des troubles ou des dangers pour l’ordre public. Leur perturbation (…) ne répondait pas à un “besoin social impérieux” et n’était donc pas “nécessaire dans une société démocratique”. » (§-11)

« La Cour constate que les mandats de perquisition avaient été formulés en termes extrêmement généraux (…). Ils ne précisaient pas pourquoi les locaux particuliers étaient visés, ce que la police s’attendait à y trouver et quelles raisons pertinentes et suffisantes justifiaient la nécessité de procéder à la perquisition. » (§-12)

Que signifie la décision de la Cour européenne ?

Bien que les affaires examinées par la CEDH aient porté sur des événements antérieurs à l’interdiction des entités juridiques russes des Témoins de Jéhovah en 2017, des centaines d’affaires pénales déposées depuis lors ont traité la discussion commune des Écritures saintes comme un crime.

Yaroslav Sivulskiy, représentant de l’Association européenne des Témoins de Jéhovah, a commenté la décision de la CEDH : « La CEDH a souligné une fois de plus qu’il n’y a et ne peut y avoir rien d’extrémiste dans les réunions religieuses des Témoins de Jéhovah. La même chose a été reconnue par l’Assemblée plénière de la Cour suprême de Russie ; cependant, certains tribunaux russes continuent d’agir à l’encontre de ces décisions, mettant les Témoins de Jéhovah derrière les barreaux simplement en raison de leur religion. »

Plus de 60 requêtes de personnes ayant souffert de la campagne de répression contre les Témoins de Jéhovah russes attendent la décision de la Cour européenne.

En juin 2022, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu que la liquidation des entités juridiques des Témoins de Jéhovah en Russie était illégale et a exigé que les poursuites pénales à l’encontre des croyants soient arrêtées et que toutes les personnes emprisonnées pour leur foi soient libérées.