28 avril 2023 | HRW

Le procureur général de Russie a qualifié d'”indésirable” le Forum de la société civile UE-Russie, une importante organisation non gouvernementale qui promeut la coopération entre les groupes et les militants de la société civile russe et européenne.

En vertu de la législation russe insidieusement élargie sur les organisations “indésirables”, les autorités peuvent interdire tout groupe étranger ou international en prétendant qu’il porte atteinte à la sécurité, à la défense ou à l’ordre constitutionnel de la Russie. À première vue, cette loi sinistre, adoptée en 2015 et renforcée par des amendements draconiens au cours des dernières années, semble cibler spécifiquement les entités non russes. Cependant, son véritable objectif est d’isoler et de marginaliser les groupes et les militants russes en les coupant de leurs réseaux de soutien internationaux. La “participation continue” à des “organisations étrangères indésirables” est un délit passible d’une peine pouvant aller jusqu’à six ans d’emprisonnement. À l’heure où nous écrivons ces lignes, un militant russe en faveur de la démocratie purge une peine de quatre ans d’emprisonnement après avoir été accusé de participation à des “organisations indésirables”.

Le Forum de la société civile UE-Russie est le 83e groupe à être désigné. Parmi les derniers ajouts au registre des “indésirables” figurent Transparency International, un réseau mondial de lutte contre la corruption, et la Fondation Andreï Sakharov, une organisation américaine qui œuvre à la sauvegarde et à la promotion de l’héritage du physicien lauréat du prix Nobel qui est devenu l’un des chefs de file du mouvement pour les droits de l’homme et la démocratie en URSS.

Le bureau du procureur général a affirmé que le forum travaillait à “discréditer les dirigeants de la Fédération de Russie” et à “saper les intérêts de la Russie”.

Cette désignation est révoltante mais pas surprenante. Au cours de la dernière décennie, le Forum est devenu une plate-forme essentielle pour les contacts entre la société civile de la Russie et celle de l’Union européenne et une source vitale de soutien pour les défenseurs des droits et les activistes civiques russes. Il a permis des débats ouverts sur des questions d’intérêt mutuel, l’échange de bonnes pratiques et la conceptualisation d’initiatives communes en matière de droits de l’homme et de démocratie.

Les relations entre la Russie et l’UE se sont désintégrées à la lumière de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, marquée par les bombardements aveugles des forces russes, les exécutionsextrajudiciaires, les disparitions forcées, la torture d’innombrables civils et d’autres crimes de guerre apparents. L’engagement des groupes et des activistes russes auprès de leurs homologues européens est devenu essentiel pour soutenir les efforts visant à ramener la Russie à l’état de droit et à la démocratie.

Les efforts des autorités russes pour isoler les défenseurs russes des droits de l’homme en interdisant le Forum sont méprisables, mais comme ces mêmes défenseurs l’ont souligné dans leur soutien au Forum, “la solidarité est plus forte que la répression” et le dialogue entre la société civile russe et l’Europe se poursuivra en dépit de l’interdiction et au mépris de celle-ci.