19 janvier 2023 | Massimo Introvigne | Bitter Winter

Le 8 juillet 2022, l’ancien Premier ministre Shinzo Abe a été assassiné par un homme qui prétendait vouloir punir l’homme politique pour sa coopération avec une organisation liée à l’Église de l’Unification (désormais appelée Fédération des familles pour la paix mondiale et l’unification, FFPMU, bien que les médias utilisent toujours l’ancien nom «Église de l’Unification»). La mère de l’assassin était membre de cette Église depuis des décennies. Elle a fait faillite en 2002, selon son fils, en raison des dons excessifs qu’elle avait faits au groupe religieux.

De toute évidence, Abe et l’Église de l’Unification ont été les victimes d’un crime dont l’auteur détestait le Mouvement fondé par feu le révérend Moon. L’assassin avait par ailleurs dialogué sur les médias sociaux avec les opposants antisectes du Mouvement. Or, par une extraordinaire inversion de la vérité et de l’équité, l’Église de l’Unification a été présentée comme si elle était responsable du crime. On a utilisé un argument pernicieux selon lequel, si la mère de l’assassin n’avait pas donné d’énormes sommes à l’Église de l’Unification, son fils n’aurait pas eu de rancune envers Abe et ne l’aurait pas tué. Une campagne nationale a ensuite commencé. On a presque oublié l’assassin, et les campagnes médiatiques et gouvernementales ont visé l’Église de l’Unification, culminant dans une enquête officielle qui pourrait aboutir à une action en justice du gouvernement avec l’objectif de dissoudre légalement l’organisation religieuse.

Après l’assassinat d’Abe, ces campagnes ont commencé pratiquement du jour au lendemain. Nul besoin d’être complotiste pour soupçonner qu’elles avaient été préparées depuis longtemps, et qu’on attendait seulement l’occasion propice pour les lancer.

Aujourd’hui, une journaliste nommée Masumi Fukuda publie une série d’articles dans la revue «Hanada». Deux sont déjà disponibles et apportent un éclairage sur la question. «Hanada» est une revue conservatrice, mais pas extrémiste. En fait, quelques mois avant sa mort, Abe lui-même avait donné une interview à «Hanada» pour faire connaître ses opinions politiques après avoir quitté ses fonctions.

Avant d’en venir aux articles de Fukuda, il convient d’informer les lecteurs non japonais sur un point qui pourrait en surprendre plus d’un. Parmi les pays démocratiques, le Japon possède l’un des partis communistes les plus puissants. Il compte plus de 250 000 membres. Il a connu des hauts et des bas aux élections, obtenant ses meilleurs résultats en 1949 avec 35 sièges à la Chambre des représentants, en 1972 avec 38, et en 1979 avec 39. En 1951, suivant les instructions de Staline, il avait adopté la «plateforme de 1951», qui appelait à des actions violentes et se traduisait par des attaques contre la police et la création d’unités de guérilla armée dans les montagnes. La forte réaction des institutions japonaises persuada le Parti, en 1955, de répudier la «plateforme de 1951» et de promettre de poursuivre le communisme par des moyens non violents. On peut comprendre, toutefois, que de nombreux Japonais n’ont pas oublié la violence rouge du début des années 1950.

Jusqu’en 1996, le Japon comptait également un Parti socialiste japonais, qui était plus modéré que le Parti communiste, mais qui comprenait une faction de gauche promouvant ouvertement le marxisme et la coopération avec les communistes. Les deux factions socialistes se sont divisées et ont fusionné à plusieurs reprises.

Il y a eu deux événements importants dans l’histoire du communisme et du socialisme japonais : la campagne pour le poste de gouverneur de Kyoto, en 1978, et l’affaire Levchenko, qui débuta l’année suivante. Kyoto était un bastion de la gauche, où un gouverneur de gauche était en poste depuis 28 ans, et les élections de 1978 ont été très disputées. En fin de compte, la victoire du candidat désigné par le parti libéral-démocrate a constitué un revers majeur pour les communistes japonais. La Fédération internationale pour la victoire sur le communisme (IFVOC), une organisation créée par le fondateur de l’Église de l’Unification, le révérend Moon, en 1968, avait mobilisé des milliers de volontaires qui jouèrent un rôle important dans les élections de Kyoto. Le fait fut reconnu par le dirigeant communiste Kenji Miyamoto et par le quotidien officiel du Parti, le «Shimbun Akahata» (Journal du drapeau rouge), qui appelèrent les membres du Parti, le 8 juin 1978, à mener une «lutte sacrée pour vaincre l’IFVOC».

En 1979, l’agent du KGB Stanislav Levchenko, principal espion soviétique au Japon, fit défection aux États-Unis. Il témoigna que des politiciens japonais de premier plan, liés à la fois au Parti communiste et au Parti socialiste japonais, étaient des agents soviétiques rémunérés. Les révélations de Levchenko ont été confirmées plus tard par des documents découverts dans les archives russes après la chute de l’Union soviétique, mais en 1983, le Parti socialiste répondit en dénonçant une conspiration organisée par l’IFVOC et la CIA américaine. L’IFVOC poursuivit le Parti socialiste en justice. L’affaire se régla finalement par un versement du Parti socialiste de deux millions de yens à l’IFVOC, à titre d’indemnité transactionnelle.

L’affaire Levchenko suscita une émotion considérable au Japon et amena de l’eau au moulin d’une campagne en faveur d’une loi sur la prévention de l’espionnage, plus connue sous le nom de « loi anti-espionnage ». L’IFVOC était l’un des piliers derrière cette loi. Avant même le début de l’affaire Levchenko, la Fédération avait lancé en 1978 une «Campagne nationale pour la collecte de 30 millions de signatures en soutien de la loi anti-espionnage». En 1979, l’IFVOC rejoignit la conférence du Conseil national pour promouvoir la promulgation de la loi sur l’espionnage.

En 1979, l’agent du KGB Stanislav Levchenko, principal espion soviétique au Japon, fit défection aux États-Unis. Il témoigna que des politiciens japonais de premier plan, liés à la fois au Parti communiste et au Parti socialiste japonais, étaient des agents soviétiques rémunérés. Les révélations de Levchenko ont été confirmées plus tard par des documents découverts dans les archives russes après la chute de l’Union soviétique, mais en 1983, le Parti socialiste répondit en dénonçant une conspiration organisée par l’IFVOC et la CIA américaine. L’IFVOC poursuivit le Parti socialiste en justice. L’affaire se régla finalement par un versement du Parti socialiste de deux millions de yens à l’IFVOC, à titre d’indemnité transactionnelle.

L’affaire Levchenko suscita une émotion considérable au Japon et amena de l’eau au moulin d’une campagne en faveur d’une loi sur la prévention de l’espionnage, plus connue sous le nom de « loi anti-espionnage ». L’IFVOC était l’un des piliers derrière cette loi. Avant même le début de l’affaire Levchenko, la Fédération avait lancé en 1978 une «Campagne nationale pour la collecte de 30 millions de signatures en soutien de la loi anti-espionnage». En 1979, l’IFVOC rejoignit la conférence du Conseil national pour promouvoir la promulgation de la loi sur l’espionnage.

Yamaguchi était l’avocat qui avait représenté, vainement, le Parti socialiste dans le procès que l’IFVOC avait intenté pour diffamation dans le cadre de l’affaire Levchenko. Son important article, déniché par Fukuda, fut publié en 1987, le 31 janvier. Deux semaines plus tard, le 13 février, avec ses collègues avocats Kazuo Ito et Yasushi Higashizawa, Yamaguchi tint au Club de la presse juridique une conférence de presse annonçant la fondation du «Réseau d’avocats pour la réparation des dommages causés par les ventes spirituelles». C’était le prédécesseur du Réseau national d’avocats contre les ventes spirituelles, qui est la force motrice de l’actuelle campagne contre l’Église de l’Unification. L’avocat Higashizawa était également membre du Centre socio-culturel et juridique. Il avait auparavant représenté des extrémistes de gauche accusés d’actes violents, ainsi que des lobbyistes pro-Corée du Nord.

Le 19 mars 1987, Yamaguchi déclara aux principaux médias que le groupe d’avocats «avait pour seule intention d’aider les victimes» – bien que certains des avocats aient admis qu’au début, très peu de victimes les avaient contactés et qu’il fallait les «découvrir». Or, le 20 février précédent, Yamaguchi avait déclaré au journal du Parti socialiste «Shakai Shimpo» que le but ultime de l’association d’avocats était de persuader «le ministère de l’Éducation de révoquer l’enregistrement de l’Église de l’Unification en tant qu’organisation religieuse». Autrement dit, ce qui se passe en 2022 était déjà dans l’esprit de Yamaguchi en 1987.

Comme Bitter Winter l’a expliqué précédemment, une grande partie de la propagande sur les «ventes spirituelles» est fausse. Et, comme le souligne Fukuda, les ventes de produits par des membres de l’Église de l’Unification, «spirituelles» ou autres, n’ont jamais soutenu l’IFVOC. En revanche, il est vraisemblable que c’est une pratique illégale, à savoir l’enlèvement et la déprogrammation de membres de l’Église de l’Unification, qui a pu soutenir le réseau d’avocats. En effet, ces ex-membres déprogrammés ont ensuite intenté des procès contre leur ancienne Église et ont été représentés par les mêmes avocats.

Ce qui est intéressant dans les articles de Fukuda, c’est qu’ils fournissent les maillons manquants. Elle ne prétend pas (et moi non plus, bien sûr) que tous ceux qui s’opposent à l’Église de l’Unification au Japon sont communistes ou socialistes. L’anti-sectarisme a plus d’une racine.

Néanmoins, ce qu’elle prouve, c’est que le réseau d’avocats contre l’Église de l’Unification a été fondé au sein d’une organisation socialiste ayant des liens avec les communistes, qu’il a été établi dans le but avoué de combattre l’IFVOC et ses activités anticommunistes en détruisant son organisation mère, l’Église de l’Unification, et ce en utilisant l’argument des ventes spirituelles. Il fallait détruire l’IFVOC et l’Église de l’Unification, expliquaient Yamaguchi et ses associés du Centre socio-culturel et juridique, parce que leurs campagnes anticommunistes étaient couronnées de succès et portaient gravement atteinte à leurs partis politiques préférés.

Peut-être n’avons-nous même pas besoin de Fukuda pour arriver à cette conclusion. Le 6 novembre 2022, dans le «Sunday Mainichi», le président du parti communiste, Kazuo Shii, a discuté avec le journaliste Soichiro Tahara de la question de l’Église de l’Unification/FFPMU.

Lorsque Tahara a dit que, «du point de vue du Parti communiste, c’est la guerre finale contre l’Église de l’Unification», le président Shii a répondu : «Ce fut une longue lutte. La première fois qu’ils ont pris position contre les communistes, c’était lors de l’élection du gouverneur de Kyoto en 1978 pour choisir le successeur de Torazo Ninagawa, qui avait servi sept mandats en tant que gouverneur novateur de la préfecture de Kyoto pendant 28 ans.» Il a ensuite ajouté : «Cette fois, nous irons jusqu’au bout, jusqu’à ce que nous ayons réussi.»

Ceux qui répètent comme des perroquets les déclarations des avocats anti-Église de l’Unification, y compris certains journalistes occidentaux, comprennent-ils à quelle «guerre finale» ils participent ?