28 mars 2023 | Article 18

Un pasteur iranien autrefois condamné à mort pour son « apostasie » a été « gracié » et libéré après avoir passé près de cinq ans dans la prison d’Evin à Téhéran, mais on lui a dit qu’il risquait toujours la flagellation et deux ans d’exil à 2 000 km de chez lui.

Yousef Nadarkhani, dont la condamnation à mort avait été annulée en 2011, a été à nouveau condamné en juillet 2017, aux côtés de trois autres convertis, à 10 ans de prison et deux ans d’exil pour avoir « agi contre la sécurité nationale en propageant des églises de maison et en promouvant le christianisme “sioniste” ».

Un an plus tard, le pasteur Yousef a été violemment arrêté à son domicile de Rasht, dans le nord de l’Iran — l’un de ses fils a également été agressé — et emmené à Téhéran pour commencer sa peine.

Et, à part deux courtes permissions, le pasteur Yousef y est resté jusqu’à sa libération le dimanche 26 février.

Mais au moment où le pasteur était libéré, bien qu’on lui ait dit qu’il avait été gracié — ce qui a également été enregistré dans la base de données officielle de la prison — il a été informé qu’il serait bientôt convoqué pour recevoir 30 coups de fouet et pour purger ses deux années d’exil à Nikshahr, à l’autre bout du pays, loin de sa maison de Rasht.

On a dit au pasteur Yousef que les coups de fouet étaient dus à une absence non autorisée de la prison, lorsqu’il n’était pas rentré à temps après sa dernière des deux permissions de sortie de l’année dernière. Pour cela, on lui a dit qu’il avait été condamné à 40 coups de fouet, mais qu’un quart de ce nombre lui avait été « pardonné ».

S’adressant à Article18 depuis son domicile, le pasteur Yousef a déclaré qu’il était « heureux d’être libéré et chez lui après presque cinq ans de prison » et « très reconnaissant envers tous ceux qui ont prié pour moi et se sont souvenus de moi pendant que j’étais en prison ».

Il a ajouté : « Tout ce que j’ai enduré était petit en comparaison de ce que le Christ a fait pour nous. »

Une longue bataille

Au cours de son incarcération, le pasteur Yousef, qui est membre de l’Église d’Iran, a entamé une grève de la faim de trois semaines pour protester contre le refus d’accorder une éducation à ses deux fils, qui n’ont pas été autorisés à poursuivre leur scolarité parce qu’ils refusaient de passer des examens sur le Coran.

Le pasteur Yousef se bat depuis plus de dix ans pour le droit de ses fils à ne pas passer ces examens. En Iran, les enfants des minorités religieuses reconnues, notamment les chrétiens, sont exemptés de ces examens, mais les convertis au christianisme ne sont pas reconnus, ce qui signifie que leurs enfants sont généralement considérés comme musulmans.

Le pasteur Yousef a porté ses protestations devant la plus haute autorité du pays, ce qui a conduit le Guide suprême, Ali Khamenei, à donner un avis sur le sujet sous la forme d’une fatwa officielle, qui stipule : « Le [converti] lui-même peut être considéré comme un apostat, mais s’il s’est marié après l’apostasie, selon ses propres nouveaux principes religieux, ses enfants ne seront pas considérés comme des apostats. »

Étant donné que le pasteur Yousef et sa femme, Tina, se sont mariés après leur conversion, cette décision aurait dû signifier que leurs enfants devaient être traités comme des chrétiens, mais dans la pratique, cela n’a pas été le cas.

En 2020, la peine du pasteur Yousef a été réduite à six ans et, plus tard dans l’année, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a jugé que sa détention était « arbitraire » à quatre titres : absence de base légale pour la détention ; détention résultant de l’« exercice légitime » des libertés ; absence de procès équitable et de procédure régulière ; et « discrimination fondée sur les convictions religieuses ».

Le pasteur Yousef s’est refusé la possibilité d’une permission de sortie de prison jusqu’en 2022, déclarant qu’il ne se sentait pas à l’aise de faire une pause en prison avant que tous les autres détenus chrétiens n’aient eu cette possibilité.

La Commission américaine pour la liberté religieuse internationale a été l’une des nombreuses institutions occidentales à suivre le cas du pasteur Yousef et à plaider en sa faveur.