12 octobre 2022 | Fides.org

Le récent projet de loi qui vise à réglementer les conversions religieuses dans l’État indien du Karnataka — un État du sud-ouest de l’Inde comptant plus de 64 millions d’habitants — va à l’encontre de la Constitution, viole la dignité humaine, la liberté de conscience et la liberté religieuse : c’est ce qu’a déclaré à l’Agenzia Fides le Père Irudhaya Jothi, jésuite engagé dans les œuvres et les services sociaux de l’État. La législation que la Chambre haute de l’État du Karnataka (le « Conseil législatif du Karnataka », dans le système bicaméral) a définitivement approuvée — après l’approbation de la Chambre basse en décembre 2021 — « est une loi draconienne est injustifiée », observe le religieux. « Son objectif est d’effrayer les chrétiens et les membres d’autres communautés, pour renforcer le soutien aux partis nationalistes hindous », fait-il valoir. Les dispositions actuelles du projet de loi « peuvent être utilisées à mauvais escient pour décourager les communautés pauvres et opprimées, en particulier les Dalits (groupes intouchables et marginalisés) et les communautés tribales, de bénéficier de programmes d’éducation, d’emploi et d’assistance sociale », observe le jésuite.

Le père Devasagayaraj M. Zacharias, ancien secrétaire du Bureau pour les Dalits de la Conférence des évêques de l’Inde (CBCI), est d’accord : « La Constitution de l’Inde — rappelle-t-il à Fides — consacre le droit fondamental de la personne à professer, pratiquer et propager toute religion choisie en conscience. La promulgation de la loi anti-conversion est contraire à la Constitution indienne et doit être contestée devant les tribunaux ». « La procédure de conversion d’une foi à une autre — souligne-t-il — est si lourde et bureaucratique qu’il est presque impossible de mener à bien la conversion religieuse ». En particulier, tous les Dalits qui souhaitent se convertir au christianisme « ne seront gênés que par une question politique. »

Le « projet de loi sur le droit à la liberté de religion au Karnataka » a été adopté par la Chambre basse du Karantaka le 23 décembre 2021, mais n’a pas été présenté à la Chambre haute car le « Bharatiya Janata Party » (BJP), la formation nationaliste hindoue qui l’a promu, n’avait alors pas la majorité dans cette assemblée. En 2022, grâce à quelques votes administratifs, le BJP a également obtenu la majorité à la Chambre haute, avec 41 membres sur 75. Le 15 septembre, le projet de loi a été présenté par le BJP et approuvé.

« La Cour suprême a affirmé que la liberté de religion n’autorise pas les conversions forcées. Il y a une liberté de conversion, mais pas sous la contrainte ou la séduction », a déclaré le ministre de l’Intérieur de Karantaka, Araga Jnanendra, en présentant le projet de loi le 15 septembre et en justifiant la législation.

« La conversion religieuse doit être réglementée : c’est l’intention derrière le projet de loi. Nous ne voulons priver personne d’un droit, ni violer l’article 25 de la Constitution [qui garantit le droit de pratiquer et de propager la religion, ndlr] », a déclaré le Premier ministre du Karnataka, Basavaraj Bommai, pour expliquer l’objectif de la loi : « Nous voulons maintenir la loi et l’ordre et prévenir les conflits religieux ».
L’écrivain et journaliste catholique John Dayal commente à Fides : « Ce n’est pas le moyen de prévenir les conflits. En fait, la loi viole l’état de droit et la liberté religieuse. Rappelons que l’Inde est une république démocratique qui a toujours sanctionné et protégé les droits fondamentaux du peuple, y compris la liberté de professer, pratiquer et propager sa religion. »

Selon le projet de loi, « personne ne peut convertir ou tenter de convertir, directement ou indirectement, une autre personne d’une religion à une autre par une fausse déclaration, la force, une influence indue, la contrainte, la séduction ou tout autre moyen frauduleux, y compris par le mariage ; personne n’encouragera ou n’organisera les conversions religieuses d’autres personnes ».

En cas de violation, une peine de prison de trois à cinq ans et une amende de 25 000 roupies indiennes (307 dollars) sont prévues, tandis que la peine de prison est portée à 10 ans et l’amende à 50 000 roupies (614 dollars) pour ceux qui convertissent des mineurs, des femmes et des personnes appartenant aux communautés « Scheduled Castes et Scheduled Tribes », considérées comme des groupes marginalisés et vulnérables.

Selon la procédure établie, si une personne a l’intention de changer de foi, le ministre du culte doit en informer le magistrat, qui l’annoncera publiquement sur un panneau d’affichage, en attendant les objections qui, le cas échéant, seront examinées.

Par la suite, si aucun doute n’est apparu, l’intéressé sera convoqué par le magistrat pour vérifier son identité et confirmer le contenu de la déclaration. En outre, les membres de la famille, les proches ou les amis d’une personne qui prétend avoir changé de croyance peuvent déposer une « plainte pour conversion forcée » devant le tribunal.

La pratique consistant à proposer des règlements qui réglementent ou limitent la conversion religieuse s’est installée depuis quelques années dans la Fédération indienne, grâce au parti nationaliste Bharatiya Janata Party. Plusieurs États du nord, de l’ouest et de l’est de l’Inde, comme l’Uttar Pradesh, l’Himachal Pradesh, le Gujarat, le Chhattisgarh, l’Odisha, le Madhya Pradesh, l’Arunachal Pradesh, l’Uttarakhand et le Jharkhand, ont adopté des lois restreignant les conversions religieuses. Le Karnataka, dans le sud de l’Inde, est le dernier à avoir promulgué une telle loi. Les chrétiens indiens se sont toujours opposés à ces mesures et, dans certains cas, ont intenté des actions en justice.