6 octobre 2022 | Massimo Introvigne | HRWF

La France dispose d’une étrange institution appelée MIVILUDES, la Mission interministérielle de veille et de lutte contre les déviances sectaires, qui est désormais rattachée au Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR).

Elle publie périodiquement des rapports sur les « cultes » (appelés en français « sectes ») qui font l’objet de nombreuses critiques pour leur imprécision et leur manque de rigueur. Par exemple, la Mission a récemment admis que ses chiffres de 500 « sectes » et 500 000 « victimes des sectes » en France, qu’elle répète souvent et qui sont cités dans les médias, proviennent de vieux textes de 1995, 2006 et 2010, qui ont été controversés lors de leur publication, ne sont même pas cités correctement dans les rapports de la MIVILUDES, et ne peuvent bien sûr rien nous dire de la situation actuelle.

Bitter Winter a également dénoncé la méthodologie erronée de la MIVILUDES, qui déclare un mouvement plus ou moins dangereux en fonction du nombre de « saisines » concernant le groupe qu’elle reçoit chaque année. Nous avons objecté que rien ne permet de vérifier que les personnes qui envoient des saisines à la MIVILUDES existent, et encore moins qu’elles disent la vérité, et nous avons mentionné le cas d’un universitaire américain qui avait réussi à faire enregistrer par la mission gouvernementale française une saisine signée par Napoléon Bonaparte.

Nous pensions que l’utilisation des « saisines » par la MIVILUDES était mauvaise. Nous nous sommes trompés. C’est bien pire. Un correspondant français qui inspecte régulièrement les documents accessibles au public concernant la MIVILUDES a trouvé une décision de la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) datée du 12 mai 2022. Cette décision concerne un avocat qui avait tenté d’obtenir des copies de toutes les « saisines » reçues par la MIVILUDES depuis 2015 au sujet des Témoins de Jéhovah.

La CADA a décidé que l’avocat, sous certaines conditions, a le droit de les consulter, après que la MIVILUDES aura masqué les noms et autres détails permettant d’identifier les auteurs des alertes, mais ce n’est pas la partie la plus intéressante de l’histoire.

Ce qui est plus important, c’est la déclaration quelque peu arrogante des MIVILUDES dans la procédure selon laquelle l’avocat « a fait une confusion ». La confusion, précise la MIVILUDES, se situe « entre les véritables rapports (signalements) et les saisines adressées à la MIVILUDES. Ces dernières comprennent également des questions et des échanges institutionnels. » La MIVILUDES a ensuite fait valoir que « les signalements, qui consistent en des témoignages, contiennent de nombreux éléments susceptibles d’affecter la sécurité et la vie privée des personnes qui y sont mentionnées. » Ils ne peuvent être divulgués sans éliminer tous ces « éléments », et une fois que tous ces détails seront éliminés, ils deviendront inintéressants.

Cet argument se réfère aux « rapports ». Or les « saisines », nous dit-on maintenant, ne sont pas des « rapports » et comprennent aussi de simples « questions et échanges institutionnels », qui ne sont donc pas des « témoignages ». Il semble que si une mairie (« échange institutionnel ») ou même un simple citoyen (« question ») demande à la MIVILUDES « Que savez-vous du groupe X ? », cela est considéré comme une « saisine ». Si deux étudiants universitaires à la recherche de matériel sur le groupe X, et une mairie à laquelle le groupe X a demandé une autorisation administrative, contactent la MIVILUDES, cela fait trois « saisines ».

Dans le rapport pour les années 2018-2020 de la MIVILUDES, trois « saisines » suffisent pour inclure L’Église du Dieu Tout-Puissant au sein de l’analyse des « déviances sectaires. » Rappelons que les « saisines » ne sont pas des « rapports » dénonçant que des citoyens français identifiés ont eu une expérience négative avec un groupe. Ce sont juste des interactions avec la MIVILUDES où le nom du groupe a été mentionné. Pourtant, le nombre de « saisines » est un élément clé pour inclure un groupe dans les rapports de la MIVILUDES.

La conclusion est que les « saisines » appartiennent à la catégorie de l’air. Non seulement le système des « saisines » est facilement manipulable par ceux qui sont hostiles à un certain groupe. Même si les « saisines » sont authentiques, elles ne signifient rien.

Après les émotions créées par l’assassinat de l’ancien Premier ministre Shinzo Abe, que son assassin voulait punir pour sa coopération avec des organisations liées à l’Eglise de l’Unification, quelqu’un a proposé d’importer la MIVILUDES au Japon et d’y créer une agence similaire. Ceux qui connaissent le fonctionnement de la MIVILUDES comprennent que le problème serait de la fermer en France, plutôt que de l’exporter à l’étranger et de répandre encore plus de recherches erronées et de fausses informations.