13 janvier 2023 | Massimo Introvigne | Bitter Winter

En 2011, la femme et les quatre enfants d’un aristocrate français ont été assassinés. Les anti-cultistes ont tenté de relier le crime aux « sectes ». Leur action en justice s’est effondrée.

L’establishment anti-sectes français a tenté de se promouvoir « au détriment de personnes profondément religieuses qui n’ont aucune déviance interdite par la loi. » Stéphane Goldenstein, l’avocat de Geneviève et Christine Dupont de Ligonnès, déclare à Bitter Winter que « mes clientes sont les boucs émissaires d’une cause qui n’est pas la leur. » Le fait que l’affaire les concernant soit désormais classée sans suite « vient les réhabiliter dans leurs dignités, mais le mal est fait… “Calomniez hardiment, il y a toujours quelque chose qui colle”, comme l’écrivait justement Francis Bacon. »

Ce qui se passe en France, c’est un autre scandale qui frappe la MIVILUDES, la Mission française de vigilance et de lutte contre les déviances sectaires, une agence anti-sectes unique en France qui fait partie du gouvernement lui-même.

L’affaire contre ce que la MIVILUDES appelle « l’Église de Philadelphie » a été classée sans suite par le parquet de Versailles le 3 janvier. Ceci a révélé une histoire difficilement croyable où la MIVILUDES et d’autres ont essayé de surfer sur la notoriété d’une affaire d’homicide non résolue pour poursuivre leur propagande contre les « sectes ».

Le 21 avril 2011, la police a découvert à Nantes, en France, le corps d’Agnès Hodanger, l’épouse de l’aristocrate français Xavier Dupont de Ligonnès, et de leurs quatre enfants. Xavier a été désigné par la police comme le principal suspect des meurtres, mais il a disparu et n’a pas été revu depuis. Bien que peu connue à l’étranger, l’affaire a fait l’objet de centaines d’articles et de plusieurs livres et documentaires télévisés en France.

Les Dupont de Ligonnès sont une famille catholique conservatrice. La mère de Xavier, Geneviève, et sa sœur Christine n’ont pas apprécié les autorités en continuant à affirmer que la culpabilité de Xavier n’était pas prouvée et que d’autres possibilités de meurtre auraient dû être envisagées. En général, les médias français n’aiment pas non plus le catholicisme conservateur ou traditionaliste.

Geneviève et Christine gèrent un groupe de prière catholique conservateur, qui s’intéresse également aux révélations privées que Geneviève prétend recevoir de Dieu et de Jésus. Il existe des milliers de communautés catholiques similaires dans le monde, des centaines en France, comme le décrit notamment l’historien Jean-Pierre Chantin dans son récent ouvrage « Catholiques malgré Rome » (Paris : Cerf, 2022).

Le nom « Église de Philadelphie » peut sembler étrange et même « américain » (la plupart des « cultes » ne sont-ils pas américains ?) dans un pays comme la France où la culture biblique est faible, mais en fait, des dizaines de groupes chrétiens à travers le monde utilisent le nom « Philadelphie », en référence à une ville située non pas en Pennsylvanie, mais dans l’actuelle Turquie où l’une des premières églises a été établie. L’église de Philadelphie est mentionnée dans le livre de l’Apocalypse 1:11. Bien qu’Apocalypse 1 soit l’un des textes qu’ils ont étudiés, les Duponts nient que leur groupe se soit jamais appelé « Église de Philadelphie ».

En 2019, des ex-membres mécontents de la communauté Dupont de Ligonnès — là encore, de tels ex-membres existent dans la plupart des groupes religieux — ont contacté la MIVILUDES en affirmant y avoir trouvé des « déviances cultuelles ». N’ayant pas de connaissances particulières en sociologie des religions, qui leur auraient appris que les crises renforcent souvent les groupes religieux, la MIVILUDES a commenté qu’il était surprenant que la communauté, fondée avant les homicides de 2011, ne se soit pas dissoute après cette fameuse affaire.

Sans surprise, la MIVILUDES a conclu à des « déviances sectaires » et a transmis l’affaire au parquet de Versailles, qui a ouvert une enquête sur la base de la loi anti-sectes About-Picard de 2001, qui a créé un étrange délit d’abus d’un état de faiblesse créé par des techniques psychologiques (encore une incarnation de la théorie discréditée du lavage de cerveau, sans utiliser ce nom).

La ministre française déléguée à la Citoyenneté au ministère de l’Intérieur, Marlène Schiappa, a décidé de prendre le train en marche de la lutte contre les sectes à des fins politiques. La politicienne controversée a donné plusieurs interviews dans lesquelles elle dénonçait l’« Église de Philadelphie » comme une « secte » dangereuse sur laquelle la police devait enquêter et la MIVILUDES devait « alerter l’opinion publique ».

Et l’opinion publique a été dûment alertée. Marie Drilhon, présidente de l’antenne locale dans les Yvelines de la principale organisation française de lutte contre les sectes, l’UNADFI, a expliqué que « nous connaissons des mouvements beaucoup plus dangereux et étendus en termes de recrutement, sur lesquels nous devons être plus vigilants. Cependant, cette histoire très médiatisée peut nous aider à relancer la vigilance du public contre les sectes. »

Le chat était donc sorti du sac. Peut-être qu’il n’y avait pas de « secte » dangereuse, mais en raison de l’association avec les meurtres de 2011, l’histoire sera « hautement médiatisée » et soutiendra la propagande anti-sectes, sans parler des affirmations de l’UNADFI selon lesquelles elle avait besoin de plus d’argent pour lutter contre les « sectes. »

L’avocat Stéphane Goldenstein a déclaré à Bitter Winter que « ce qui me dérange le plus dans cette affaire, c’est que des citoyens respectueux des lois soient harcelés pour leurs croyances religieuses. » Goldenstein explique que « les révélations de Geneviève n’ont jamais été approuvées par l’Église catholique, mais elles n’ont pas non plus été formellement condamnées. Certains prêtres les ont lues et les ont trouvées assez surprenantes. Elle prétend qu’elle les reçoit par une sorte d’écriture automatique et qu’elles sont dans une langue ancienne. » Ne croyant pas lui-même aux révélations, Goldenstein insiste sur le fait qu’« il n’y a rien d’illégal là-dedans, et elles n’incluent pas non plus les prophéties sur la fin du monde que certains médias ont mentionnées. »

Goldenstein se souvient que Xavier faisait lui aussi partie des milieux catholiques nostalgiques de l’époque pré-Vatican II et que, pour cette raison, Georges Fenech alors président de la MIVILUDES, « a essayé de créer l’image d’un crime aux motivations religieuses et né dans un climat de “déviances cultuelles”. »

« Il me semble que la situation d’une famille qui a beaucoup souffert, conclut Goldenstein, a été exploitée à des fins publicitaires. Dans le processus, leur liberté religieuse a été violée. »

La police et le procureur ont maintenant déterminé qu’il n’y a pas de « déviances cultuelles ». Un couple de catholiques français a réuni des amis pour prier et étudier des révélations privées et la Bible. Un rapide coup d’œil sur Internet persuaderait les MIVILUDES qu’il existe des centaines de groupes de prière similaires en France. Leurs valeurs ne sont peut-être pas toujours celles de la République française, surtout lorsqu’ils sont dirigés par de vieux aristocrates, mais ce qu’ils font n’est pas illégal.

Ce qui s’est passé est, tout simplement, une tentative honteuse d’exploiter un meurtre sensationnel pour alimenter la campagne française contre les « sectes ».