18 mai 2022 | Massimo Introvigne | Bitter Winter
Le 26 avril 2022, dans l’affaire « M.A.M. c. Suisse », la Cour européenne des droits de l’homme a établi le principe selon lequel les personnes qui se convertissent de l’islam au christianisme courent un risque sérieux de persécution au Pakistan et ont en principe droit à l’asile.
La décision est importante, car elle concerne un cas de conversion dite « sur place », c’est-à-dire qui s’est produite après que les demandeurs d’asile ont quitté leur pays d’origine. M.A.M. a quitté le Pakistan parce qu’il se sentait en danger en raison d’une vendetta impliquant sa famille et une famille de voisins, ce qui, selon les autorités suisses et la Cour européenne, ne justifierait pas l’asile.
Cependant, après son arrivée en Suisse, M.A.M., un musulman, s’est converti au christianisme et a rejoint l’Armée du Salut. Les autorités et les tribunaux suisses ont reconnu que sa conversion était sincère et qu’il était un membre actif de l’Armée du Salut en Suisse.
M.A.M. a alors fondé sa demande d’asile sur le fait que les convertis de l’islam au christianisme peuvent être facilement accusés de blasphème et arrêtés pour un crime passible de la peine de mort selon la loi pakistanaise. Même lorsqu’ils ne sont pas arrêtés et condamnés, les convertis peuvent être tués par leurs proches, qui sont alors déclarés non coupables par les tribunaux ou reçoivent des peines très légères. Dans le cas de M.A.M., le fait que son frère soit un imam rendait le risque encore plus grand.
Les autorités et les juges suisses, jusqu’à une décision du Tribunal administratif fédéral du 2 juin 2020, ont rejeté la demande d’asile. Ils ont examiné plusieurs documents COI (Country of Origin Information) sur le Pakistan, et ont conclu que le christianisme n’est pas interdit dans le pays et qu’il n’y a pas de persécution générale des chrétiens dans ce pays. En ce qui concerne le blasphème, ils ont interprété la loi pakistanaise en ce sens que ce crime n’est commis que par ceux qui insultent ou dénigrent publiquement l’islam, ce qui n’était pas le cas de M.A.M.
M.A.M. a été soutenu par l’ADF (Alliance Defending Freedom), le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ) et Ordo Iuris — Institut pour la culture juridique dans son recours à la Cour européenne des droits de l’homme. Ce dernier a examiné l’information sur les pays d’origine et les documents traitant des lois sur le blasphème et de la situation des convertis de l’islam au christianisme au Pakistan, notamment la résolution du Parlement européen du 29 avril 2021 sur les lois sur le blasphème au Pakistan et la « Country Policy and Information Note-Pakistan » du Royaume-Uni : Christians and Christian Converts” de février 2021. Ces documents ont été publiés après la décision du Tribunal administratif fédéral suisse de 2020, mais décrivent une situation qui existait bien avant.
La Cour européenne a conclu que les autorités et les tribunaux suisses ont concentré leur attention sur la situation des chrétiens au Pakistan en général, mais ont omis d’examiner la situation spécifique des chrétiens convertis à l’islam. Ces derniers risquent en effet d’être soit exécutés sur la base des lois sur le blasphème, les accusations d’offense à l’islam étant souvent forgées de toutes pièces, soit tués par leurs proches.
Pour ces raisons, la Cour européenne, qui n’a pas le pouvoir d’accorder l’asile, a bloqué l’expulsion de M.A.M. vers le Pakistan et a demandé à la Suisse de réexaminer sa demande d’asile en tenant compte des principes établis dans la décision européenne.
La décision frappe à la fois le Pakistan et les politiques d’asile restrictives en vigueur en Suisse. Le 27 juillet 2021 déjà, le Comité des Nations Unies contre la torture avait condamné la Suisse après qu’elle eut refusé l’asile à un membre de l’Église de Dieu Tout-Puissant qui s’était enfui de Chine, déclarant que les chrétiens en général risquent d’être persécutés et torturés en Chine, à moins qu’ils n’appartiennent à l’Église des Trois Églises et à l’Église catholique patriotique, contrôlées par le gouvernement.
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