12 mai 2022 | The European Times
La liberté de religion ou de croyance en Corée du Nord n’est certainement pas une question “ennuyeuse”, même si elle peut être frustrante. Le membre du Parlement européen M. Bert-Jan Ruissen, expert en la matière, a accepté d’être interviewé par The European Times.
The European Times : M. Ruissen, le 30 mars, vous avez organisé une conférence sur la liberté religieuse en Corée du Nord au Parlement européen. Pourquoi un tel événement maintenant ?
Nous avons été en contact avec l’ONG Korea Future basée à Londres à l’automne 2021 et au cours de nos entretiens, nous avons discuté du nouveau rapport de Korea Future sur la liberté religieuse en Corée du Nord. L’idée a été soulevée de porter ce rapport à l’attention d’un plus grand public à Bruxelles par le biais d’une conférence au Parlement européen en mars 2022. La situation de la liberté religieuse en RPDC n’a pas fait l’objet d’une grande attention depuis des années, aussi la publication du nouveau rapport était-elle pour nous une bonne occasion de remettre la question à l’ordre du jour.
The European Times : Le 7 avril, le Parlement européen a adopté une résolution sur la situation des droits de l’homme, notamment la persécution des minorités religieuses. Pourquoi les chrétiens sont-ils considérés comme des “ennemis de l’État” et quelles sont les conséquences d’une telle étiquette infamante ?
Selon le rapport, le ministère de la sécurité d’État de la RPDC recueille de manière proactive des informations sur les menaces perçues à l’encontre du système politique nord-coréen, en mettant l’accent sur les personnes d’origine nationale, ce qui inclut les chrétiens. Le noyau dur de la politique de la dynastie Kim est la soumission totale et la glorification inconditionnelle du “divin” Kim Jong Un (ainsi que de son défunt père et de son défunt grand-père). Les chrétiens obéissent au Roi du Ciel et ne veulent pas être impliqués dans la glorification divine d’un dirigeant terrestre athée. Ils sont donc accusés de saper le système politique et de constituer une menace existentielle pour celui-ci. Les autorités ont persécuté les croyants religieux sur la base de divers chefs d’accusation, notamment la pratique religieuse, les activités religieuses en Chine, la possession d’articles religieux tels que des bibles, les contacts avec des personnes religieuses, la participation à des services religieux et le partage de croyances religieuses. Les chrétiens et autres adeptes de la religion auraient été victimes de surveillance, d’interrogatoires, d’arrestations, de détention et d’emprisonnement arbitraires, de punitions infligées aux membres de leur famille, de torture, de violences sexuelles, de travail forcé et d’exécution. Pour plus d’informations, je vous renvoie au rapport susmentionné.
Question : Quelles sont les principales caractéristiques de la persécution religieuse mises en évidence par la résolution ?
La résolution indique que le régime de la RPDC cible systématiquement les croyances et minorités religieuses, notamment le chamanisme, le bouddhisme coréen, le catholicisme, le chéondoisme et le protestantisme. Parmi les exemples de ce ciblage systématique, on peut citer l’exécution de certains prêtres catholiques non étrangers et de dirigeants protestants qui n’ont pas renoncé à leur foi et qui ont été purgés en tant qu'”espions américains”. La résolution fait également référence au système songbun (système de surveillance/sécurité de la nation), selon lequel les pratiquants religieux appartiennent à la classe “hostile” et sont considérés comme des ennemis de l’État, méritant “discrimination, punition, isolement et même exécution”. Le texte mentionne que la documentation des organisations non gouvernementales (ONG) montre que les adeptes du chamanisme et du christianisme sont particulièrement vulnérables à la persécution. Il souligne également que des rapports font état d’une répression sévère à l’encontre des personnes impliquées dans des activités religieuses publiques et privées, y compris la privation arbitraire de liberté, la torture, le travail forcé et l’exécution, et que les kwanliso (camps de prisonniers politiques) restent opérationnels car ils sont fondamentaux pour le contrôle et la répression de la population.
La résolution condamne les restrictions sévères à la liberté de mouvement, d’expression, d’information, de réunion pacifique et d’association, ainsi que la discrimination fondée sur le système songbun, qui classe les personnes sur la base de la classe sociale attribuée par l’État et de la naissance, et inclut également la prise en compte des opinions politiques et de la religion. Le Parlement est profondément préoccupé par les violations systématiques de la liberté de religion et de conviction touchant le chamanisme et le christianisme ainsi que d’autres religions en Corée du Nord. Il dénonce les arrestations arbitraires, les détentions de longue durée, les tortures, les mauvais traitements, les violences sexuelles et les meurtres de religieux et exhorte les autorités de la RPDC à cesser toute violence à l’encontre des minorités religieuses et à leur accorder le droit à la liberté de religion et de conviction, le droit d’association et le droit à la liberté d’expression. Il souligne en outre la nécessité de demander des comptes aux auteurs de ces actes violents, notamment au ministère de la Sécurité sociale du peuple et au ministère de la Sécurité d’État, qui jouent un rôle déterminant dans la persécution des communautés religieuses.
Question : Pyongyang a nié avoir été touché par le COVID. Que sait-on de l’impact de la pandémie en Corée du Nord ?
Compte tenu de la nature fermée du pays, on sait peu de choses sur la prévalence réelle du Covid-19 en RPDC, le gouvernement niant la présence du virus dans le pays. La pandémie de COVID-19 a cependant été utilisée par la RPDC pour isoler davantage le pays du monde extérieur, ce qui a eu pour effet d’exacerber les violations des droits de l’homme et d’avoir un impact négatif sur la santé de sa population. La RPDC a fermé ses frontières à tout passage extérieur pour éviter la propagation du COVID-19 et n’a distribué aucun vaccin contre le COVID-19 à sa population.
Question : Que faut-il faire pour améliorer la situation des droits de l’homme en Corée du Nord ?
Le 22 mars 2022, l’UE a imposé un gel des avoirs et une interdiction de voyager à deux personnes et une entité de la RPDC, dans le cadre du régime mondial de sanctions de l’UE en matière de droits de l’homme. Il est remarquable que, dans un pays où tant de violations des droits de l’homme sont signalées, si peu de personnes soient sanctionnées. Cela est probablement dû en partie à la nature fermée du pays, dont l’accès aux organisations étrangères est limité, voire inexistant. Il est important de demander à tous les auteurs de graves violations des droits de l’homme de répondre de leurs actes, y compris de les sanctionner, afin de poursuivre les efforts visant à soumettre la situation en RPDC à la Cour pénale internationale. Avant que cela ne se produise, il est très important de recueillir des preuves et des documents sur les violations graves des droits de l’homme. Il est donc très important que le rapporteur spécial des Nations unies sur la Corée du Nord, les organisations humanitaires et la société civile aient accès au pays. La résolution encourage également l’UE et les États membres à élaborer une stratégie complétant le régime de sanctions de l’UE et tenant compte de la reprise du dialogue politique avec la Corée du Nord (bloqué depuis 2015) lorsque le moment sera venu, en vue d’intégrer les droits de l’homme, la dénucléarisation et les initiatives de paix dans son engagement avec la RPDC.
Abonnez-vous au BIA par Telegram.
Abonnez-vous au BIA par e-mail. C’est gratuit !
Flashez le code ou suivez ce lien puis introduisez votre adresse e-mail. Ensuite, confirmez l’abonnement par e-mail.
Commentaires récents