13 juin 2021 | Willy Fautré | Freedom of Religion and Belief | HRWF

Après l’expulsion d’un imam turc il y a quelques mois, le ministre des affaires intérieures, de l’égalité des chances et de l’intégration du gouvernement flamand, Bart Somers (Open VLD), a décidé de mettre fin à la reconnaissance et au financement d’une mosquée pakistanaise la semaine dernière.

Mosquée pakistanaise à Anvers

Le 8 juin, le ministre Somers a décidé, la semaine dernière, d’annuler la reconnaissance de la mosquée pakistanaise d’Anvers dénommée « Antwerp Islamic Association ». Elle était reconnue depuis 2007, ce qui l’avait rendue éligible au financement par le gouvernement flamand et l’État belge.

Depuis 2016, la communauté islamique est empêtrée dans un conflit interne concernant la nomination d’un imam.

L’ancien imam reconnu par les pouvoirs publics avait été licencié par l’Association islamique d’Anvers et remplacé par un autre qui n’est pas agréé par le gouvernement flamand mais qui l’est par l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB), l’interlocuteur officiel de l’État belge.

Le ministre Somers a estimé que la communauté musulmane pakistanaise ne remplissait plus le critère de reconnaissance de la « pertinence sociale », qui inclut des relations durables avec le gouvernement local et la communauté locale (voisinage) ainsi que la cohésion sociale. La police locale a parfois dû intervenir dans des rixes opposant les adeptes des deux imams.

Expulsion d’un imam turc près de Genk (Limbourg)

Lors de la réunion du 8 juin de la Commission des affaires intérieures, de l’égalité des chances et de l’intégration du Parlement flamand, le ministre Bart Somers a annoncé qu’après avoir consulté le ministère fédéral de la Justice et d’autres institutions belges concernées, il avait ordonné le 4 février 2021 à un imam turc de quitter le territoire belge. Il a reconduit que l’imam nommé par le Diyanet en Turquie était retourné dans son pays le 5 avril.

Il convient de noter que la direction turque ne peut pas nommer d’imams pour travailler dans les communautés musulmanes reconnues en Belgique sans un permis de travail et l’approbation des autorités fédérales et régionales, car les salaires et les pensions de retraite des religieux sont payés par l’État. La Belgique a également sa part de responsabilité dans cet incident.

L’imam travaillait pour la mosquée de Houthalen-Helchteren, connue sous le nom de « Mosquée verte ». Il a été expulsé après avoir affirmé sur la page Facebook de la mosquée que « l’homosexualité est une maladie, entraîne la déchéance et est interdite par l’islam ». L’imam a également fait référence à un sermon homophobe du vendredi du président des affaires religieuses de Turquie, Ali Erbaş, qui a déclaré publiquement que : « L’islam maudit l’homosexualité ».

Sammy Mahdi, le ministre du gouvernement fédéral belge chargé de l’asile et de la migration, a refusé de prolonger le permis de séjour de l’imam controversé qui vivait en Belgique depuis trois ans.

« Ceux qui viennent ici pour semer les graines de la haine dans notre société n’ont pas leur place ici », avait commenté le ministre.

Nommé par la présidence turque des affaires religieuses pour travailler en Belgique, l’imam a fait une demande auprès de l’autorité belge de l’immigration en octobre 2020 et a demandé la prolongation de ses permis de séjour et de travail.

Mahdi a également déclaré : « Nous ne pouvons tolérer cette stigmatisation de la communauté homosexuelle et la diffusion de tels messages. Si vous avez le droit de travailler comme imam en Belgique, vous avez un devoir d’exemplarité. Tous ceux qui ne veulent pas adhérer à nos valeurs devront en assumer les conséquences. »

Le conseil d’administration de la mosquée a rapidement retiré l’imam controversé et l’a remplacé par un autre lorsque l’affaire a été rendue publique.

Compte tenu de la réaction rapide de la mosquée, le ministre Somers n’a pas tenu la mosquée pour responsable de l’incident et a décidé de ne pas la priver de son enregistrement et de son financement public, mais il a déclaré qu’elle faisait l’objet d’une surveillance accrue.

Quelques commentaires de HRWF

Dans les deux incidents, le décret flamand a été utilisé par le gouvernement flamand pour éventuellement annuler la reconnaissance et le financement desdites communautés confessionnelles. Les noms des imams controversés n’ont été révélés nulle part et il est presque impossible de faire des recherches supplémentaires sur le passé de ces acteurs.

L’homophobie ne peut être acceptée dans un pays démocratique et doit être poursuivie. Par conséquent, il est logique que les pouvoirs publics ne financent pas une communauté confessionnelle et/ou son dirigeant faisant des déclarations homophobes.

L’incident de la mosquée turque montre que les déclarations homophobes peuvent être un motif pour déclencher le mécanisme de retrait de la reconnaissance et du financement d’une communauté religieuse par le gouvernement flamand sur la base du décret flamand actuel ou futur. Cela signifie que la violation (présumée) d’une seule de ses dispositions peut être utilisée à cette fin dans le nouveau décret qui contient 72 articles et qui sera bientôt proposé au vote du Parlement flamand.

Le permis de séjour de l’imam turc de Dyianet n’a pas été prolongé sur la base de l’accusation d’homophobie, mais il n’a jamais été traduit et condamné par un tribunal en Belgique pour ce motif.

Le texte de la déclaration controversée de l’imam turc n’est cité nulle part et son nom n’a pas été révélé.

En raison du risque de perdre sa reconnaissance, la mosquée a décidé de renvoyer rapidement son imam. À l’avenir, cela pourrait conduire à une autocensure théologique des communautés religieuses quant à l’enseignement de leurs croyances séculaires dans leurs propres locaux, alors que la constitution belge prévoit l’autonomie mutuelle de l’État et des religions.

Ces remarques montrent que les relations entre l’État et les religions sont désormais déterminées par de nouveaux paradigmes dans une Belgique de plus en plus sécularisée.

Les clercs d’autres communautés religieuses, reconnues et financées par l’État, ont fait part à HRWF de leurs préoccupations concernant ce qu’ils perçoivent comme une insécurité judiciaire.

Préoccupations des autres religions reconnues par l’État

Les autres religions reconnues par l’État s’inquiètent sérieusement de l’intrusion des institutions publiques dans leurs croyances, leurs enseignements à l’intérieur de leurs locaux et leur liberté d’expression dans l’espace public. Ce qu’elles considèrent comme un péché pourrait être poursuivi comme un discours de haine ou de discrimination.

La création d’une agence de contrôle dotée d’un budget de 3 millions d’euros, qui sera en mesure de contrôler la mise en œuvre du nouveau décret par 95 % des communautés par an, suscite également une certaine perplexité.

Les pouvoirs de cette nouvelle agence sont considérés comme disproportionnés et la légalité de certaines dispositions est mise en doute par certains :

  • Visites inattendues d’un lieu de culte
  • Accès complet à tous ses espaces
  • Contrôle d’identité de toutes les personnes présentes
  • Interrogatoire de toutes les personnes présentes
  • Accès à tous les documents, y compris les copies
  • Assistance de la police, si elle le souhaite.

Le manque de proportionnalité est également dénoncé par certains, car le non-respect d’une seule exigence du décret peut entraîner l’annulation de la reconnaissance et/ou la suspension ou la limitation des subventions.

L’Église catholique romaine n’est pas non plus à l’abri. En effet, dans une affaire contre les Témoins de Jéhovah à Gand, le tribunal de première instance a jugé en mars que leur enseignement et leur pratique biblique concernant la distanciation sociale entre leurs membres et les membres excommuniés équivalait à une incitation à la haine et à la discrimination fondée sur la religion. Cette décision fait l’objet d’un appel.

Des procédures similaires pourraient être engagées contre l’Église catholique en Belgique, et dans tout autre pays, car ses prêtres se sont récemment vu interdire par le pape de bénir les couples de même sexe et pourraient donc être accusés de discrimination envers les homosexuels et d’homophobie.