26 septembre 2021 | Freedom of Religion and Belief

Mme Irene Khan

Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression

OHCHR-UNOG

8-14 Avenue de la Paix

1211 Genève 10, Switzerland

Monsieur le Rapporteur Spécial,

Nous vous écrivons pour vous faire part de notre préoccupation concernant la condamnation et la détention arbitraire par les autorités algériennes de Hamid Soudad, un chrétien de 42 ans, à Oran, en Algérie.

Le 20 janvier 2021, les autorités ont arrêté Hamid Soudad pour avoir ” insulté le prophète de l’islam ” en partageant un message sur Facebook. Le lendemain, un tribunal d’Arzew l’a condamné à cinq ans de prison en vertu de l’article 144-2 du Code pénal, sans lui donner accès à un avocat. La cour d’appel, le tribunal de la ville d’Oran, a confirmé le 22 mars 2021 la peine de cinq ans de prison prononcée par le tribunal de première instance. M. Soudad attend maintenant que son cas soit examiné par la Cour suprême, ce qui pourrait prendre deux à trois ans.

La sentence prononcée à l’encontre de M. Soudad viole le droit international à plusieurs titres :

Premièrement, toutes les lois sur le blasphème sont incompatibles avec le droit international, comme l’a déjà précisé le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction et comme le souligne votre rapport1.

Deuxièmement, même si la loi sur le blasphème était considérée comme légitime, le cas de M. Soudad ne répond pas à l’exigence de la loi concernant le lien direct entre le discours et le préjudice présumé. La publication sur Facebook pour laquelle les autorités condamnent M. Soudad date de 2018, mais l’accusation n’a été portée contre M. Soudad qu’en décembre 2020, ce qui montre clairement que la condamnation n’est pas fondée sur un préjudice présumé causé par sa publication, mais qu’elle est uniquement due à sa foi chrétienne.

En outre, l’accusation portée contre Hamid Soudad pour avoir partagé un message sur les médias sociaux n’est pas proportionnée à la jurisprudence algérienne antérieure concernant la loi sur le blasphème. Selon l’avocat de M. Soudad, la peine prononcée par les autorités algériennes dépasse les sanctions imposées dans des cas similaires, où les autorités ont prononcé des peines plus légères pour le partage d’un contenu prétendument blasphématoire que pour son auteur. L’avocat attribue cette peine exagérée à la discrimination des autorités à l’égard des chrétiens, en particulier ceux d’origine musulmane, comme M. Soudad. La conversion est indirectement pénalisée dans la plupart des États où l’islam est la religion d’État, puisque le fait de renoncer à l’islam ou de ne pas y croire est considéré comme un blasphème.2 En outre, la peine est disproportionnée par rapport au préjudice perçu, la peine de cinq ans d’emprisonnement pour un post sur un média social étant la même que la peine minimale requise en Algérie pour des crimes tels que la vente, la distribution ou le stockage d’armes blanches à des fins illicites.3

Nous vous demandons de prier instamment les autorités algériennes de libérer Hamid Soudad immédiatement et sans condition, compte tenu de ce qui précède, et de revoir la législation en vigueur pour s’assurer qu’elle est conforme au droit international et à ses engagements en matière de droits humains, notamment en abrogeant ses lois sur le blasphème et l’ordonnance 06-03.

À la suite de son arrestation, la famille de Hamid Soudad se trouve dans une situation vulnérable. La détention de M. Soudad a fait de sa femme une mère célibataire qui s’occupe de quatre enfants de moins de dix ans. Être une mère célibataire en Algérie est une position particulièrement vulnérable, en plus d’appartenir à une minorité religieuse.4

1 Nations Unies, Assemblée générale. Élimination de toutes les formes d’intolérance religieuse** A/72/365. (28 août 2017). Haut-Commissariat aux droits de l’homme, Un consensus historique sur les libertés de religion et d’expression en danger, disent les experts de l’ONU, 23 mars 2021, https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/Pages/NewsDetail.aspx?NewsID=26937&LangID=E ; Nations unies, Assemblée générale, Désinformation et liberté d’opinion et d’expression – Rapport de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, Irene Khan, 13 avril 2021. para. 38

2 Set My People Free, Pays où les lois sur l’apostasie et le blasphème dans l’islam sont appliquées, juillet 2020. http://freedom2worship.org/images/docs/map-laws-july2020.pdf.

3 Ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant code pénal, modifiée et complétée., Art. 87 bis https://ihl-databases.icrc.org/ihl-nat/0/e75256421f90d2b6c1256fd6003695cc/$FILE/Code%20p%C3%A9nal.pdf. 4 Comité des droits de l’enfant, Examen des rapports des États parties, CRC/C/SR.1714. 14 juin 2012, par. 26 ; Algérie : Crackdown on Protestant Faith. Human Rights Watch. (2020, 28 octobre). https://www.hrw.org/news/2019/10/24/algeria-crackdown- protestant-faith.

Cordialement,

Signature de 14 ONG