12 avril 2023 | USCIRF
Cette tribune a été initialement publiée par The Hill le 8 mars 2023.
Par Mohamed Magid et Frank R. Wolf, commissaires de l’USCIRF
Au début de la nouvelle année, des hommes armés du nord du Nigeria ont envahi le domicile du père Isaac Achi, un prêtre catholique de l’État du Niger, y mettant le feu et le brûlant à mort. Les assaillants ont également tiré sur son collègue, le père Collins, et l’ont blessé alors qu’il tentait de s’enfuir. Quelques jours plus tard, lorsque la communauté chrétienne minoritaire de l’État a manifesté avec colère pour protester contre l’inaction des forces de sécurité au poste de police local, les autorités ont appelé des renforts et ont répondu par la force.
Ce n’est que le dernier exemple en date de l’incapacité des forces de sécurité nigérianes à assurer la sécurité des minorités religieuses et des autres communautés vulnérables. Pourtant, le gouvernement américain refuse de critiquer publiquement le bilan atroce du gouvernement nigérian en matière de liberté religieuse et son manque de respect général pour les droits de l’homme.
Le Nigeria est l’un des pays où le risque d’atrocités est le plus élevé, selon le projet d’alerte précoce du musée américain du mémorial de l’Holocauste (U.S. Holocaust Memorial Museum). Dans un pays où la religiosité est aussi élevée, ce risque d’atrocité a des répercussions importantes sur les communautés religieuses. Dans le nord, les minorités chrétiennes sont confrontées à la violence et au harcèlement. Dans le sud, les acteurs violents ciblent les minorités musulmanes sur la base de leur religion et de leur appartenance ethnique. Dans le centre du pays, les violences intercommunautaires s’inscrivent souvent dans une logique sectaire et aggravent les tensions religieuses, entraînant la mort de milliers de civils. En tant que symboles du pouvoir social et politique, les chefs religieux en particulier sont la cible de violences et d’enlèvements, ce qui affecte la capacité des communautés à pratiquer leur culte et menace leur sentiment de sécurité.
Alors que de nombreux auteurs de violences sont des acteurs non étatiques, la réponse du gouvernement nigérian aux atrocités croissantes a été insuffisante, voire carrément contre-productive. Le gouvernement affirme que des contraintes de capacité limitent son aptitude à réagir, alors que les forces de sécurité sont souvent en mesure de mobiliser des forces et une volonté politique lorsque leurs propres membres sont menacés.
Le gouvernement nigérian utilise également des tactiques répressives qui privent les personnes vulnérables de leurs droits plutôt que de s’attaquer aux causes profondes de la violence. Les tribunaux ont de plus en plus souvent emprisonné des personnes ayant des croyances minoritaires sous l’accusation de blasphème au lieu de poursuivre ceux qui appellent à la violence contre elles. Les organisations de défense des droits de l’homme soulignent les abus fréquents et le déni de droits dont sont victimes les personnes accusées d’activités terroristes. Pendant plus d’une décennie, l’armée nigériane aurait mené une campagne d’avortement forcé contre les femmes enceintes qui avaient été sauvées des insurgés musulmans extrémistes, tout en ciblant et en assassinant les enfants de ces combattants.
L’approche du gouvernement nigérian pour s’attaquer aux facteurs de violation de la liberté religieuse va dans la mauvaise direction. Nos collègues de l’USCIRF – le vice-président Abraham Cooper, nommé par le leader républicain du Sénat Mitch McConnell (Ky.) et le commissaire Frederick A. Davie, nommé par le leader démocrate du Sénat Chuck Schumer (N.Y.) – se sont rendus au Nigéria ces dernières années et ont rencontré des communautés religieuses sur le terrain afin d’entendre directement leurs expériences douloureuses. Nous sommes tous d’accord pour dire que le gouvernement américain doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour inciter le Nigeria à rectifier le tir. Cependant, il continue de poursuivre une approche « business as usual » de la politique au Nigeria, au détriment des droits de l’homme et des besoins des Nigérians de tous les jours.
Le premier changement essentiel doit être la nomination par le Département d’État américain d’un envoyé spécial pour mieux faire face à la crise qui touche non seulement le Nigeria mais aussi toute la région du bassin du lac Tchad. Depuis un an, l’USCIRF insiste sur l’importance de la nomination d’un envoyé spécial, et nous soutenons sans réserve la création de ce poste. Tout aussi important, le département d’État doit redésigner le Nigeria comme un pays particulièrement préoccupant (CPC) en vertu de la loi sur la liberté religieuse internationale (International Religious Freedom Act, 1998). Cette désignation enverrait un message fort au gouvernement nigérian : les États-Unis n’approuvent pas les tactiques répressives qu’il utilise pour répondre aux tensions religieuses et aux autres facteurs de violence. Elle crée également l’obligation pour la politique américaine au Nigeria de se concentrer plus stratégiquement sur la protection de la liberté religieuse, les droits de l’homme et la prévention des atrocités.
La Chambre des représentants des États-Unis a récemment introduit une législation bipartisane appelant l’administration Biden à désigner immédiatement le Nigeria comme CPC et à nommer un envoyé spécial au Nigeria et dans la région du bassin du lac Tchad. L’adoption de cette résolution constituerait une réaffirmation importante du soutien des États-Unis à la liberté religieuse au Nigeria.
Le ramadan approche à grands pas, suivi de la période de Pâques. Si l’on se fie aux années passées, les fidèles nigérians seront probablement confrontés à des menaces de violence lorsqu’ils célèbreront ces fêtes religieuses. Les États-Unis disposent des outils nécessaires pour faire progresser le respect de la liberté religieuse au Nigeria et réduire les risques de violence pour les communautés religieuses ; il leur suffit de les utiliser.
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