7 octobre 2022 | HRWF
En l’espace d’une semaine, les autorités du Tadjikistan ont forcé la fermeture de deux importantes institutions religieuses dans la capitale : une tariqa, ou école, utilisée par les adeptes de la foi chiite ismaélienne et une librairie vendant de la littérature islamique.
Cette attaque contre les Ismaéliens, un groupe dissident de la religion musulmane chiite, s’inscrit dans le cadre d’une répression plus large des Pamiris, une minorité d’environ 230 000 personnes dont la patrie historique, située dans la région autonome de Gorny Badakhshan, a fait l’objet d’une campagne de sécurité soutenue au cours des derniers mois.
Le Conseil de la tariqa et de l’éducation religieuse ismaélienne a été enregistré en 2012, en même temps que l’ouverture du premier centre ismaélien à Douchanbé. Le lieu était utilisé par les adeptes du chiisme ismaélien pour l’éducation laïque et religieuse.
Des sources du centre ont déclaré à Eurasianet qu’elles subissaient des pressions de la part des autorités depuis le mois de mai pour suspendre leurs activités éducatives. Cela fait plusieurs semaines que les portes des locaux sont fermées au public.
Le centre ismaélien, qui abrite notamment un jamatkhana, un lieu où les adeptes de la foi se réunissent pour prier, reste ouvert, même si son avenir semble également sombre au vu de l’évolution de la situation.
La commission des affaires religieuses de l’État n’a fait aucune déclaration publique sur la fermeture de l’Ismaili Tariqa and Religious Education Board. Il y a trois ans, cependant, le comité a envoyé une lettre à l’organisation pour exprimer sa déconfiture face au fait que le portrait du chef religieux ismaélien, l’Agha Khan, avait été accroché au-dessus de celui du président, Emomali Rahmon.
Aux yeux du gouvernement du Tadjikistan, aucune personnalité n’a un statut plus sacré que Rahmon.
L’intolérance officielle à l’égard de la religion ne se limite toutefois pas aux ismaéliens. Le gouvernement a adopté une position hostile à l’égard de l’éducation islamique en général. Il y a dix ans, toutes les madrasas du pays ont été fermées sous prétexte que le ministère de l’éducation élaborait un programme d’études religieuses approuvé. Les portes des six madrasas du pays n’ont cependant jamais été rouvertes.
La semaine dernière, les autorités ont forcé la fermeture de la seule librairie de Douchanbé spécialisée dans la littérature religieuse. Un porte-parole du comité religieux de l’État a déclaré que cette fermeture était temporaire, dans l’attente d’une inspection du catalogue du magasin.
Tout cela s’est produit en dépit du fait qu’environ 95 % de la population du Tadjikistan se décrit comme musulmane.
Le seul endroit où il est encore possible de poursuivre des études dans le domaine religieux est l’Institut islamique de Douchanbé, qui se trouve à proximité de la librairie aujourd’hui fermée. Les élèves de neuvième année doivent également suivre un cours d’histoire des religions.
La répression de la religion est encore plus étendue que cela.
Les enfants de moins de 18 ans n’ont pas le droit de visiter la mosquée. Les personnes de moins de 35 ans ne peuvent pas demander à effectuer le hajj à la Mecque. La prière n’est pas autorisée dans les institutions gouvernementales et les membres du public n’ont pas le droit d’entrer dans les bâtiments gouvernementaux s’ils portent un hijab ou une barbe cultivée comme symbole de piété islamique. Il n’existe pas de cours pour l’étude de l’arabe. Les jeunes qui poursuivent des études religieuses ont été rapatriés de force au cours des dernières années.
Les seuls imams qui exercent légalement leurs fonctions sont nommés par le comité des affaires religieuses, qui leur verse un salaire. Leurs sermons sont préparés à l’avance par le comité. D’innombrables mosquées ont été fermées. Les petites salles de prière disséminées dans le pays ont souvent été démantelées.
Tout cela est une aubaine pour les recruteurs des groupes clandestins qui professent des formes radicales d’islam. Le plus connu d’entre eux, l’État islamique, a fait de la répression des musulmans irréprochables par le régime de Rahmon un pilier central de sa rhétorique de recrutement.
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