16 juin 2022 | Zsuzsa-Anna Ferenczy | HRWF
Le 10 mai, la Commission américaine pour la liberté religieuse internationale (USCIRF) a organisé une audition sur la liberté de religion ou de croyance en Syrie afin d’examiner les conditions actuelles dans le pays. L’audition, modérée par Nadine Maenza, présidente de l’USCIRF, a mis en lumière les possibilités pour la politique américaine de soutenir les diverses communautés religieuses et ethniques de Syrie dans la formulation d’une solution politique. La principale question abordée par les témoins experts invités était de savoir comment la politique américaine peut intégrer plus efficacement les questions de liberté de religion ou de croyance dans sa focalisation sur la Syrie.
À l’heure actuelle, la liberté de religion en Syrie reste menacée. Le régime du président Bachar el-Assad pratique une discrimination systématique à l’encontre des membres de groupes religieux n’appartenant pas à la branche alaouite de l’islam, détruit les lieux de culte des minorités religieuses lors d’affrontements avec des groupes d’opposition et prive activement les minorités religieuses et la majorité musulmane sunnite de leur autonomie et de leur autorité religieuse. Les forces d’opposition armées et les groupes islamistes militants ciblent les minorités religieuses et ethniques vulnérables dans leurs tentatives d’arracher le pouvoir au régime Assad et entre eux.
L’organisation Hay’at Tahrir al-Sham (HTS), émanation d’Al-Qaïda, continue de déplacer les communautés religieuses minoritaires dans la région d’Idlib, au nord-ouest du pays, et l’État islamique d’Irak et de Syrie (ISIS) a renforcé sa présence dans l’est de la Syrie, déstabilisant davantage la région. Les groupes d’opposition armés syriens soutenus par la Turquie tirent parti de leur financement et de leur soutien militaire turcs pour mener des campagnes de nettoyage religieux et ethnique à Afrin. En revanche, il existe des environnements prometteurs pour la liberté religieuse et la coopération intrareligieuse en Syrie, notamment les zones du nord et de l’est régies par l’Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie (AANES).
Ethan Goldrich, secrétaire adjoint au Bureau des affaires du Proche-Orient du Département d’État américain, a souligné que l’état des droits de l’homme en matière de liberté de religion ou de croyance en Syrie est lamentable. Les États-Unis demandent instamment à toutes les parties de mettre fin aux abus et encouragent les responsables à rendre des comptes pour les atrocités commises contre tous les groupes minoritaires, ce qui reste une priorité essentielle de la politique étrangère américaine, a-t-il ajouté. Les États-Unis continuent également à s’engager auprès de l’envoyé des Nations unies pour la Syrie afin de soutenir les efforts menés par la Syrie sous l’égide des Nations unies.
Badran Jia Kurd, coprésident adjoint de l’Administration autonome de la Syrie du Nord et de l’Est (AANES) a souligné que dans cette partie de la Syrie, plusieurs groupes différents coexistent, sans distinction entre eux, qu’ils soient musulmans, chrétiens ou yazidis. La tolérance religieuse et la liberté de religion ou de croyance sont développées au sein de l’Administration, dans un système accueillant toutes les religions, où elles peuvent maintenir leurs identités. L’Administration autonome offre une opportunité à tous les citoyens qui ont fui ISIS, de toutes les confessions. ISIS et le régime ont ouvert la voie à de profondes divisions religieuses, affectant la mentalité de la société à long terme, a-t-il averti. Pour l’avenir, une solution politique est nécessaire, qui permette de préserver la coexistence de toutes les cultures et religions.
Max Hoffman, directeur de la sécurité nationale et de la politique internationale au Center for American Progress, a souligné que les États-Unis se félicitent des efforts de réconciliation déployés en Syrie ces dernières années, avec une opposition totale à toute normalisation du pouvoir d’Assad. Pourtant, les États-Unis devraient faire plus dans le pays, aller au-delà de ce qu’ils font actuellement, a-t-il souligné, en gardant à l’esprit qu’aucune résolution politique n’est probable à court terme.
David Phillips, directeur du programme de consolidation de la paix et des droits à l’Institut pour l’étude des droits de l’homme de l’Université de Columbia, a évoqué le rôle de la Turquie dans la situation actuelle en Syrie. Conscients du fait que la Turquie a servi de bouée de sauvetage à ISIS par le passé, les États-Unis devraient adapter leur politique à l’égard de la Turquie en fonction de la réalité actuelle, et voir la Turquie telle qu’elle est, et non telle qu’ils souhaitent la voir. Il a également évoqué la situation sur le terrain de manière plus générale, rappelant qu’en 2014, les djihadistes se sont déchaînés sur les communautés chrétiennes, yazidies, lançant un djihad mondial contre elles. Les chrétiens arméniens, présents en Syrie depuis les temps bibliques, ont été attaqués, pris en otage, ont vu leurs églises détruites et leurs familles déracinées à Alep et dans ses environs, avec des options allant de la conversion forcée, à l’esclavage, l’extorsion ou l’exécution. En 2015 et 2016, les États-Unis et l’Union européenne ont déclaré que la persécution des chrétiens par ISIS était un génocide.
Les témoins experts ont convenu qu’à l’avenir, la responsabilité des crimes commis est essentielle. Ils ont recommandé aux États-Unis d’impliquer les victimes de persécution afin de cultiver des solutions à long terme lorsqu’ils abordent la liberté religieuse en Syrie.
(*) Zsuzsa Anna Ferenczy est professeur adjoint à l’Université nationale Dong Hwa de Hualien (Taiwan) et expert consultant auprès de Human Rights Without Frontiers.
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