Assemblée nationale 11ème législature
Question écrite
N° 6623 de M. Besson Éric (Socialiste – Drôme)
Ministère interrogé : intérieur
Ministère attributaire : intérieur
Question publiée au JO le : 24/11/1997 p. 4163
Réponse publiée au JO le : 24/05/1999 p. 3167
Texte de la QUESTION :
M. Eric Besson attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur le statut des organisations de type sectaire. Un récent jugement du tribunal correctionnel de Lyon qualifiant de « religion » la scientologie a choqué nombre de nos concitoyens. Des critères objectifs distinguent les religions des sectes : les méthodes pratiquées par ces groupes sont souvent identiques. Elles visent à isoler, tant physiquement que psychiquement, des personnes rendues fragiles et réceptives à un moment donné de leur vie. L’adhésion passe par une participation financière importante, les écarts sont sanctionnés, toute velléité d’émancipation expose à des pressions, voire des représailles. Vivre dans une secte impose des règles de vie qui vont souvent bien au-delà de celles en vigueur dans les communautés religieuses. Refus de soins, privation de nourriture, de sommeil sont des méthodes courantes. Les enfants ne sont pas épargnés et la non-scolarisation est aussi un moyen de les isoler. C’est pourquoi il lui demande si, en concertation avec des représentants des différents cultes, des théologiens, des personnes qualifiées, réunies au sein d’une commission d’étude, il envisage la création d’une commission qui pourrait travailler à l’établissement de critères qui, une fois définis, serviraient de base à une loi visant à protéger nos concitoyens.
Texte de la REPONSE :
Le droit ignore en effet la notion de secte à laquelle n’est attachée aucune conséquence juridique. Cette notion, certes très couramment utilisée, est une notion de fait et non de droit. L’absence de définition juridique des sectes résulte de la conception française de la notion de laïcité. Cette conception trouve son fondement dans l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui dispose que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public institué par la loi ». Les rédacteurs de la Déclaration ont ainsi clairement posé le principe de la neutralité de l’Etat à l’égard des opinions religieuses. Le régime juridique des cultes qui résulte d’une telle conception de la laïcité est défini par les deux premiers articles de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Eglises et de l’Etat, qui disposent que « la République assure la liberté de conscience (et) garantit le libre exercice des cultes » (art. 1) et qu’elle « ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte » (art 2). Le principe de neutralité de l’Etat signifie donc que les croyances religieuse relèvent de la vie privée des citoyens, et qu’elles sont indifférentes à l’Etat. Ainsi s’explique que l’Etat, fidèle à sa neutralité affichée à l’égard des religions, n’ait jamais donné une définition juridique de celles-ci. Si la doctrine admet qu’elles se caractérisent par la réunion d’éléments subjectifs (la foi, la croyance) et d’éléments objectifs (le rite, la communauté), il n’existe nulle définition de la religion dans le droit positif. Donner une définition juridique aux sectes signifie qu’on donne a fortiori une définition du culte, ce qui ne présente aucune utilité, puisque la République « ne reconnaît aucun culte », et ce qui pourrait porter atteinte non seulement au principe de laïcité mais aussi au principe de neutralité de l’Etat. Il n’en demeure pas moins que si la République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes, elle ne saurait tolérer les dérives constatées dans certains mouvements sectaires qui peuvent, en l’état actuel de notre droit, tomber sous le coup de multiples qualifications pénales : l’escroquerie, l’homicide ou les blessures volontaires ou involontaires, la non-assistance à personne en danger, les agressions sexuelles, les violences ou tortures, l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse, la mise en péril des mineurs, le trafic de stupéfiants ou la publicité trompeuse. D’autres infractions à des dispositions relevant notamment du code de la santé publique, du code du travail, du code de la sécurité sociale, du code général des impôts peuvent éventuellement être constatées et sanctionnées. Le dispositif juridique existant apparaît donc suffisant et il n’est pas envisagé, en l’état, de mettre en place une législation spécifique relative aux sectes.