Circulaire du ministère de l’Emploi et de la Solidarité DGEFP n° 2000-20 du 25 mai 2000 relative aux pratiques sectaires dans le domaine de la formation professionnelle
Ministère de l’emploi et de la solidarité, Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle
NOR : MESF0010156C
Bulletin Officiel du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, n°2000/21, 20 nov. 2000
La ministre de l’emploi et de la solidarité, la secrétaire d’Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle à Madame et Messieurs les préfets de région, directions régionales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.
Les travaux récents des commissions d’enquête parlementaire sur les sectes ont démontré que l’entreprise constituait une cible privilégiée des mouvements sectaires, notamment sous l’angle de la formation professionnelle. Ainsi, certaines sectes sont présentes dans ce secteur où elles animent des organismes de formation.
Il revient donc aux services des directions départementales et régionales de l’emploi, du travail et de la formation professionnelle et notamment aux services régionaux de contrôle de la formation d’être particulièrement vigilants lorsqu’ils ont à connaître du fonctionnement des organismes de formation et de rechercher tous comportements et modes de gestion susceptibles de constituer des indices de pratiques illégales.
Ce contrôle a pour mission exclusive de s’assurer que les fonds publics ou ceux issus des contributions obligatoires des entreprises au titre de la formation professionnelle sont utilisés et justifiés conformément à la cause du versement, quelle que soit la qualité du dispensateur ou du bénéficiaire.
En ce sens le fait que les dirigeants ou des animateurs d’un organisme de formation aient des liens avérés avec un mouvement réputé sectaire ne constitue pas en lui-même un motif de nature à justifier un refus de déclaration d’existence ou d’imputabilité des actions de formation.
Les moyens de contrôle, et les sanctions qui s’ensuivent, le cas échéant, peuvent être mis en œuvre à différentes occasions :
– lorsqu’un organisme dépose sa déclaration d’existence ;
– lorsqu’il transmet chaque année son bilan pédagogique et financier ;
– lorsque est réalisé, à l’initiative de l’administration ou suite à un signalement par une tierce personne (stagiaire, entreprise, organisme collecteur paritaire, etc.), le contrôle d’un organisme de formation.
Il appartient aux services régionaux de contrôle de vérifier à chacune de ces occasions que les objectifs affichés sont conformes à ceux voulus par législateur et que les types d’action de formation proposés entrent expressément dans le champ d’application des dispositions de l’article L. 900-2 du code du travail.
L’objet de la formation est notamment de permettre « l’adaptation des travailleurs au changement des techniques et des conditions de travail », « de favoriser leur promotion sociale » et de « favoriser leur contribution au développement culturel, économique et social ». Les compétences ainsi acquises doivent trouver à s’exercer aussi bien dans les fonctions de l’entreprise (fonctions de management, de gestion, de production, de communication, etc) que dans la vie associative ou sociale.
A ce titre, il convient d’être particulièrement vigilant sur les stages de développement personnel (« ensemble des processus psychologiques qui entrent en jeu pour permettre de satisfaire le besoin d’accomplissement de l’être humain ») qui sont très souvent un moyen privilégié de pénétration du milieu de la formation par les organismes sectaires et qui ne sont pas susceptibles d’être considérés comme relevant du champ de la formation professionnelle.
Ces actions de formation qui visent à concourir principalement à l’enrichissement des relations interpersonnelles et à l’épanouissement de l’individu, s’appuyant sur des notions de psychologie, ne s’adressent pas un public de professionnels à qui elles apportent une compétence reconnue. Elles ne s’appuient qu’accessoirement sur des mises en situation professionnelle. Pour autant, lorsqu’elles sont intégrées à des actions relevant de la formation professionnelle, des séquences relatives au développement personnel peuvent constituer des objectifs intermédiaires de formation, représentant des apports théoriques ou pratiques utiles à une meilleure compréhension d’une situation professionnelle ou sociale.
Il convient également d’examiner toute action qui pourrait être assimilée à des pratiques de recrutements, sélections, « testing » etc., des personnels. Ce type d’intervention ne peut évidemment pas être regardé comme relevant de la formation professionnelle. Or certaines structures considérées comme sectaires ont fait du conseil en recrutement un terrain d’action privilégié et peuvent être tentées de le présenter comme tel.
En cas d’indices sérieux ou de preuves indiscutables de l’influence sectaire, les sanctions prévues par le droit de la formation professionnelle ou le droit commun doivent être mises en œuvre :
– refus d’enregistrement de la déclaration d’existence ;
– retrait de la déclaration préalable ;
– rejet de l’imputabilité de la dépense et reversement au Trésor public ;
– transmission des éléments d’information au procureur de la République territorialement compétent en cas de découvertes de comportements répréhensibles susceptibles d’être sanctionnés par la loi pénale (détournements de fonds, actes contraires aux bonnes mœurs ou à l’honneur, etc.).
Trois jugements récents de tribunaux administratifs, même s’ils ne concernent pas forcément des organismes sectaires, viennent conforter les moyens dont disposent les services de contrôle :
– un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 octobre 1996 a reconnu la possibilité à l’administration de rectifier les bilans pédagogiques et financiers en estimant que les actions entreprises relevaient d’une démarche de développement personnel et non du champ de la formation professionnelle. Les actions en cause concernaient la prise de conscience de soi et des autres, la communication sous toutes ses formes (et principalement visuelle et tactile), une formation à la thérapie psycho-corporelle utilisée comme démarche de développement personnel des participants ;
– deux jugements du tribunal administratif de Nantes, en date du 21 janvier et 18 février 2000, confirment des décisions de l’administration qui portaient retrait, avec effet rétroactif, de la déclaration préalable accordée depuis plusieurs années à des organismes de formation.
Le tribunal a considéré, dans les deux cas, que la finalité des actions révélait une démarche de développement personnel et ne relevait pas de la définition des actions rentrant dans le champ de la formation professionnelle du livre IX (art. L. 900-2). Le tribunal a jugé que ces formations étaient des formations personnelles.
Ces formations concernaient « le soin du corps énergétique », dont l’objectif était de former des thérapeutes capables d’appliquer les techniques de soins énergétiques et de traiter des thèmes divers (le corps subtil de l’homme, le karma et la réintégration, la perception des chabras, le feng shui, la cristallo-thérapie, les élixirs floraux), la « psychologie holistique » (étude des principes spirituels qui caractérisent l’âme humaine, accompagnement des personnes en phase d’émergence spirituelle), « la préparation au grand mystère »…
En matière de formation professionnelle, vous voudrez bien faire remonter les informations relatives aux mouvements sectaires au Groupe national de contrôle (GNC) qui se chargera d’en faire la synthèse qu’il transmettra à la direction de l’action sociale.
Le GNC se tient à votre disposition si vous souhaitiez des éclairages particuliers ou des renseignements complémentaires.
Je vous rappelle enfin l’existence de la mission interministérielle de lutte contre les sectes, présidée par M. Alain Vivien, ancien ministre. Instituée auprès du Premier ministre par le décret no 98-890 du 7 octobre 1998, elle a notamment pour but d’analyser les phénomènes des sectes, d’inciter les services publics à prendre les mesures appropriées pour les combattre, d’informer le public et les agents publics sur les dangers que peuvent représenter leurs méthodes.
Son président réunit régulièrement un groupe opérationnel qui permet aux administrations concernées d’échanger des informations sur les menées des sectes. Un représentant du GNC siège au sein de ce groupe.
Vous pouvez donc, en tant que de besoin, contacter cette mission aux coordonnées suivantes : mission interministérielle de lutte contre les sectes, 35, rue Saint-Dominique, 75007 Paris, téléphone : 01-42-75-76-08.
La déléguée générale à l’emploi
et à la formation professionnelle,
C. Barbaroux